Fervente Passion selon Saint Jean à la Chapelle de la Trinité de Lyon
Les Grands Concerts renouvellent leur partenariat avec le CNSMD de Lyon en invitant son département de musique ancienne et les solistes des classes de chant à interpréter un chef-d’œuvre du baroque composé par l'un de ses compositeurs les plus emblématiques, Jean-Sébastien Bach (1685-1750). La Passion selon Saint Jean, d’après l’évangile, est le premier des cinq oratorios qu’il composa. Engagé dans une interprétation intégrale de l’œuvre de Bach avec son Ensemble Gli Angeli, le baryton Stephan MacLeod travaille cette œuvre remarquable avec les étudiants.
L’introduction, d’abord mystérieuse, est immédiatement révélatrice du travail de Stephan MacLeod : en chanteur confirmé, il semble caresser et modeler avec souplesse le son du chœur. Le soin porté aux directions des phrasés des instruments à vents, d’une belle clarté, dessert cependant sans doute les cordes mouvantes. Manquant de précision d’ensemble et de mordant, elles perdent le côté oppressant qui se veut annoncer la triste et fatale destinée du Christ. L’ensemble ne manque néanmoins pas de relief, introduisant avec effet les puissants appels du chœur « Herr » (Seigneur). Si le timbre global du chœur est assurément très appréciable, l’interprétation manque toutefois de minutie vis-à-vis de la polyphonie. Cette imprécision est d’autant plus évidente lors des fugues « Wir haben ein Gesetz » (Nous avons une loi) ou « Lasset uns den nicht zerteilen » (Ne la déchirons pas) qui, outre le manque de vivacité rythmique et de virtuosité ne laisse pas apparaître la charpente du contrepoint, certes complexe. Les entrées de ces passages fugués ne manquent pas d’assurance mais révèlent l’hétérogénéité des voix de chaque pupitre, aux projections, dictions, et même vitesses différentes. Les chorals luthériens, moins difficiles, bénéficient agréablement des qualités plastiques des voix des choristes.
Avec ses quelques airs, la Passion selon Saint Jean est une belle opportunité de mettre en avant quelque soliste. Le premier est le ténor Eymeric Mosca qui tient l’exigeante partie de l’Évangéliste, aux sollicitations périodiques pour des récitatifs de longueurs inégales, requérant une attention constante. Si la voix semble fatiguer par moment et manquer d’assise dans les aigus, le jeune soliste défend néanmoins vaillamment son rôle, avec une attention particulière au texte.
Les voix lumineuses et à l’assurance naturelle des deux soprani Chloé Jacob et Jeanne Bernier sont fort appréciées. La première interprète un rayonnant « Ich folge dir gleichfalls mit freudigen Schritten » (Je te suis de même d’un pas joyeux). La seconde fait entendre une finesse maternelle et une interprétation sincère. La basse Imanol Iraola intervient en Jésus, de sa voix rassurante, manquant malheureusement de présence expressive lors de son air « Mein teurer Heiland » (Mon précieux sauveur), sur la douce couleur du chœur en retrait. Avec son arioso « Betrachte, meine Seel’ » (Contemple, mon âme) soutenu par les deux violes d’amour –un peu fausses parfois mais au timbre si chaleureux et intime–, Sergio Villegas Galvain fait entendre un agréable timbre moelleux, mais dont on ne comprend malheureusement ni le texte, ni le discours musical. Le baryton Noé Chapolard possède l’autorité de Pilate lors de ses récitatifs, comme de son air « Eilt, ihr angefocht’nen Seelen » (Dépêchez-vous âmes inquiètes), à la voix sûre, aux vocalises ciselées et au souffle bien mené.
Les contre-ténors sont gâtés par la partition de Bach : Nicolas Kuntzelmann fait entendre un timbre velouté et homogène qui mériterait une projection plus assurée et constante. Avec le sublime et terrible « Es ist vollbracht ! » (Tout est accompli), la sobriété expressive mais bien présente de la voix quasi céleste de Sylvain Manet, accompagné par la charmante viole de gambe, suspend un moment le temps. La courte et victorieuse section médiane alerte « Der Held aus Juda siegt mit Macht » (Le héros de Judas l’emporte avec force) démontre également sa virtuosité. Julien Henric semble préférer sacrifier le sens musical pour déployer son instrument à la projection facile. À l’inverse, Iannis Gaussin manque d’assurance, son attention patente ne suffisant pas à garder un soutien de souffle constant et à assurer son discours, surtout dans les parties un peu aiguës.
C’est avec de chauds et longs applaudissements que le public salue l’ensemble des étudiants, qui sont heureux de remercier leurs professeurs de chant en leur offrant de beaux bouquets.