Così fan tutte Hippie et Bollywood à Saint-Étienne
La mise en scène de Christophe Gayral propose de suivre l’histoire
des amants mozartiens dans le domicile des deux sœurs Fiordiligi et
Dorabella, une luxueuse villa en bord de mer sur deux niveaux. Le public
est transporté dans les années 1970 (décors de Mathieu Lorry-Dupuy), où deux mondes s’opposent. Celui des quatre
héros-amoureux, d’abord, qui se jurent amour et fidélité dans
des costumes aux couleurs unies privilégiant les tons pastels
(Frédéric Llinares). Face à lui, l’autre monde représenté par
Despina et Don Alfonso, vêtus de tenues légères ou encore de
costumes à motif fleuri, qui prônent les amours libertines et non
conventionnelles.
Les deux héroïnes, interprétées par la soprano Élodie Hache (Fiordiligi) et la mezzo-soprano Marion Lebègue (Dorabella), comblées de bonheur, s’extasient devant les photos de leurs amants prises avec un polaroid. Si leur jeu de scène reste limité dans les premiers tableaux, il gagne progressivement en fluidité et s’intensifie dans le second acte lorsqu’elles cèdent à la convoitise de leurs amants travestis. D’une voix souple et ample, Élodie Hache conduit ses lignes vocales avec aisance et vocalise avec légèreté. La mezzo-soprano Marion Lebègue charme à travers une voix sonore, au timbre chaud et généreux. Les timbres des deux chanteuses s’associent harmonieusement.
Face à elles, le ténor Marco Ciaponi et le baryton Marc Scoffoni, forment un duo comique énergique et efficace dans les rôles de Ferrando et Guglielmo. Troquant leur tenue de soirée pour des vêtements de style hippie (vestes à frange, bottes de cuir et pantalons patte d’éléphants), ils s’investissent sur scène avec assurance et conviction. Le jeune ténor Marco Ciaponi offre une voix sonore et généreuse qu’il déploie avec musicalité, même si certaines notes suraiguës perdent parfois en justesse. Le baryton Marc Scoffoni qui projette une voix sombre et chaude, adapte habilement sa texture vocale en fonction des émotions de son personnage.
Laurent Alvaro, baryton-basse, interprète avec finesse et fraicheur le manipulateur et malicieux Don Alfonso, dans des tenues excentriques comme la chemise fleurie au ton rouge vif du premier acte. De sa voix large et bien projetée, il conduit ses interventions vocales avec une diction efficace et une technique assurée. Pour mettre en place son stratagème, Don Alfonso s’associe à Despina, la soprano Pauline Courtin qui développe avec éclat l’air désinvolte et espiègle de son personnage. Déguisée en médecin puis en notaire asiatique, elle parvient à modifier sa palette vocale pour servir l’effet comique. Sa voix légère et percutante s’associe à un investissement scénique dynamique, notamment lorsqu’elle tâche de convaincre les deux sœurs de succomber aux nouveaux venus. Alors qu’on s’apprête à célébrer le mariage des nouveaux amants façon Bollywood, dans un décor aux couleurs vives et flamboyantes où trône un mandala fluorescent et s’élèvent des pancartes Peace and love, Let it be, la vérité éclate enfin. Les réconciliations faites, Ferrando et Guglielmo, subjugués par l’écran de télévision, ne prennent garde aux deux héroïnes qui préfèrent se mêler à la foule joyeuse et festive du second plan.
Sous la direction de José Luis Domínguez Mondragón, l’Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire produit un son chaud et équilibré qui accompagne les chanteurs avec précision, aussi bien pour les parties solistes que les nombreux ensembles harmonieux et soignés (du duo au sextuor). Les spectateurs apprécient également l’interprétation des parties de la clarinette solo, instrument souvent mis à l’honneur dans les opéras mozartiens. Les interventions du Chœur maison, en coulisse pour le premier acte ou sur scène au second, sont précises et homogènes.
Le public stéphanois accueille chaleureusement ce Così fan tutte revisité, inspiré de la mouvance hippie et du cinéma musical indien.