Enchanteurs King's Singers à l'Opéra de Vichy
Formation applaudie dans le monde entier (près de 200 concerts par an), emblématique d'un chant plus que jamais « instrumental », le groupe vocal des King's Singers a vu le jour en 1968, en Grande-Bretagne. Il regroupe à l'époque six jeunes chanteurs issus du King's College de Cambridge, avec la composition suivante : deux contre-ténors, un ténor, deux barytons et une basse. Une composition qui n'a jamais évolué au fil des années, contrairement aux chanteurs qui composent le sextuor. Cinquante ans après la création du groupe, ce sont ainsi six jeunes chanteurs, âgés de 20 à 30 ans, qui se présentent sur la scène de l'Opéra de Vichy. Preuve du perpétuel renouvellement de l'ensemble : deux de ses membres l'ont intégré seulement en début d'année.
Dès les premières pièces, c'est à un authentique voyage dans le temps qu'invitent les King's Singers. Le sextuor, en effet, convoque aussi bien des compositeurs de la Renaissance, tel l'espagnol Juan Vasquez, que des auteurs bien plus contemporains, comme le japonais Tōru Takemitsu, auteur d'une surprenante partition, “Handmade Proverbs”, mélange de chant traditionnel et de poème musical plutôt loufoque (où les chanteurs, après s'être pris pour des canards, se mettent soudainement à fredonner l'ouverture du Barbier de Séville de Rossini, ramenant au moins l'assistance à des repères mieux connus).
Les choristes de Sa Majesté, grands adeptes des reprises, s'essaient aussi avec succès au genre de la variété, en reprenant notamment, dans sa version anglaise (mais néanmoins charmante), “La Mer” de Charles Trenet. Ils interprètent également des chants plus folkloriques, telle la mélodie américaine de la fin du XIX siècle, "Down to the River to Pray", qui sonne comme un véritable hymne patriotique, non sans renvoyer aussi à une certaine évocation du gospel. Quant au répertoire classique, à défaut d'être totalement inexistant, il parvient à se frayer une petite place en permettant au public de découvrir des œuvres méconnues, tel le chant “Les Marins de Kermor”, signé Camille Saint-Saëns.
Tout au long du concert, les six choristes accordent leurs voix en symbiose, avec justesse, triomphant sans difficulté (particulièrement chez la basse de Jonathan Howard) des notes les plus extrêmes. De la voix flûtée des contre-ténors jusqu'au timbre chaud des barytons et de la basse, pleinement mis en valeur par l'acoustique de la salle de Vichy, chaque pupitre se démarque et sait se faire entendre sans jamais rompre la fusion du chœur. Chacun des membres du sextuor fait en outre preuve d'une impeccable maîtrise du souffle et des nuances (aucune voix ne cherchant, lorsque la partition ne l'exige pas, à sortir du lot). La maîtrise des langues est également à souligner et, s'ils ont bien du mal à cacher leur accent “british”, les King's Singers parviennent sans mal à se faire comprendre autant en langue française qu'en espagnol, entre autres.
Reste aussi cette capacité des membres du sextuor à captiver leur auditoire par un chant physiquement “engagé”, en tout cas au niveau des visages, tous souriants et expressifs, donnant de la voix à bouches grandes ouvertes (les yeux en faisant de même, parfois, au gré de l'humeur dictée par la partition). Une expressivité bien marquée qui semble trouver son apogée dans l'une des dernières pièces exécutées par l'ensemble, une "Masterpiece" signée de l'anglais Paul Drayton, où les paroles consistent à épeler les identités de compositeurs célèbres, prénoms compris ("Johann Sebastian Bach", "Georg Friedrich Haendel", ou encore "Wolfgang Amadeus Mozart"), paroles sur lesquelles se greffent de charmantes mélodies prétextes à solliciter la vaste étendue des capacités vocales de chacun (qu'il s'agisse de chanter pianissimo, à pleine voix, en staccato ou encore en contrepoint). L'effet réjouissant mérite des applaudissements nourris de la part d'un public conquis.