La mode de Paris conquiert la Canebière avec La Veuve joyeuse à l’Odéon de Marseille
Depuis sa création en 1905 à Vienne, la truculente et charmante Veuve joyeuse de Franz Lehár (1870-1948), sur un livret de Viktor Léon et Leo Stein, ne cesse de triompher, octroyant à son auteur une renommée mondiale. Sans surprise, l’œuvre est régulièrement programmée à l’Odéon de Marseille et s’y voit redonnée dans la production de 2017 signée Olivier Lepelletier. Régisseur général du Moulin Rouge à Paris depuis longtemps, ce marseillais est assurément tout choisi pour servir « la plus parisienne des opérettes viennoises ». Sous les applaudissements du public de l’Odéon, toujours très généreux, le rideau s’ouvre sur une Tour Eiffel illuminée en fond de scène. Quelques colonnes et marches encadrent simplement le plateau, les accessoires restant rares. L’œil du spectateur est ainsi agréablement charmé par les élégants costumes de style Belle Époque. Olivier Lepelletier se montre particulièrement sensible aux dispositions des ensembles, toujours équilibrés. Les chorégraphies simples des chanteurs et celles parfois impressionnantes des danseurs, préparés par Esmeralda Albert, leur donnent un mouvement constant, renforcé par l’efficacité des jeux de lumières.
Les airs entraînants et parfois enchanteurs de cette opérette peuvent compter sur des chanteurs investis. Toutefois, pour certains d’entre eux, il ressort des problèmes de diction qui mettent parfois l’attention de l’auditeur à rude épreuve. La tout à fait charmante veuve Missia Palmieri de Charlotte Despaux, ravissante dans sa robe noire et sa parure étincelante lors de l’acte III, fait entendre un timbre riche et délicat. Son « air de Vilja » ouvrant l’acte II pourrait être magnifique mais, par l’absence de consonnes, il est hélas tout à fait incompréhensible. Impossible toutefois de ne pas être touché lors du célèbre duo « Heure exquise » (acte III) avec le Prince Danilo. Cette aventureux au cœur tendre est incarné par Régis Mengus, expressif avec justesse, au chant toujours convaincant et à la diction ne faisant aucunement défaut. La femme de l’ambassadeur de Marsovie, Nadia, est interprétée par l’onctueuse Caroline Géa, puissante ou tendre selon ses interventions, mais dont l’ample vibrato perturbe la compréhension du texte et parfois même sa justesse, surtout dans les aigus. Olivier Grand est son mari Popoff, l’ambassadeur de Marsovie à Paris, comédien et chanteur à la présence superbe du rôle, malgré une petite forme que trahissent quelques toux dissimulées. L’amant de Nadia, Camille de Contançon, est défendu avec vaillance par Christophe Berry, qui malheureusement accuse la fatigue dès l’acte II, sa voix déraillant et son souffle s’amenuisant au fil de l’œuvre. Parmi les rôles secondaires, reste en mémoire l’attachant et amusant Monsieur Figg de Jacques Lemaire, maître des techniques scéniques et vocales, notamment en ouverture de l’acte III « Un vrai parisien » : les applaudissements sonores montrent l’enthousiasme qu’il produit.
Le chœur participe largement à la sympathie du moment mais avec un manque d’homogénéité au premier acte. L’Orchestre de l’Odéon, dirigé par l’énergique Bruno Membrey, est parfois un rien trop présent par rapport au plateau vocal, tout en restant toujours bien équilibré en son sein. Les violons commettent quelques approximations, notamment dans les aigus, mais leur timbre charmeur est secondé par leurs jolies phrases romantiques.
C’est évidemment l’amusant air « Ah les femmes, femmes, femmes », accompagné par les démonstrations de souplesse des cinq danseurs, qui est repris maintes fois lors des saluts festifs, durant lesquels le public frappe des mains et chante même, toujours avec autant d’entrain.