Le Garçon et le poisson magique : création française à Colmar
Donné à l’Opéra national du Rhin et pour la première fois en France depuis sa création aux Pays-Bas en 2012, l’ouvrage connu en Hollande et en Allemagne sous le titre Gold! est destiné à proposer aux jeunes enfants une parabole sur la connaissance de soi et sur les dangers qu'il y a à renier ses valeurs pour l’attrait du confort et l’appât du gain. Adapté du conte de Grimm Le Pêcheur et sa femme, la pièce met en scène le petit Jacob, jeune garçon pauvre qui, envoyé par son père, pêche un jour un poisson magique. En échange de sa liberté, ce dernier propose à Jacob de satisfaire son souhait le plus cher. Jacob commence par demander au poisson la paire de chaussures qui lui fait défaut. Poussé par ses parents, qui lui réclament tour à tour des chaussures pour leur propre usage, puis une maison, puis un palais, puis des domestiques pour s’occuper de leur encombrante demeure, puis des voyages pour fuir les domestiques et enfin le privilège d’être débarrassé de tout être humain qui puisse les importuner, Jacob voit ces exigences toujours plus importantes se réaliser, au point de transformer radicalement son existence et celle de ses parents sans pour autant rendre leur vie plus heureuse. Réflexion, donc, autant sur l’insatisfaction inhérente au genre humain que sur la futilité de l’accumulation des biens terrestres et le désastre de l’abandon des valeurs fondamentales.
Autour de ce thème universel, le compositeur néerlandais Leonard Evers a conçu une partition originale, confiée aux percussions et à une voix seule chargée d’incarner tour à tour le jeune garçon, sa mère, ainsi que le poisson. Le percussionniste utilise sa voix parlée pour les interventions du père. Le public est quant à lui sollicité afin de réaliser le bruitage destiné à rendre la rumeur de la mer, de plus en plus violente et oppressante à chaque fois que Jacob s’en retourne retrouver le poisson.
La mise en scène de Sandra Pocceschi et de Giacomo Strada est de la plus grande poésie. Servie par les beaux éclairages de Matteo Bambi, elle repose en grande partie sur l’utilisation habile et judicieuse de la vidéo confiée à Alessandro Randi. Les apparitions du poisson, de plus en plus amaigri et affaibli à chacune des sollicitations de Jacob, donnent ainsi une touche pathétique à un spectacle autrement non dénué d’un certain humour, comme le montrent notamment les interventions d’un robot-narrateur, témoin des temps futurs inscrivant le spectacle dans l’intemporalité qui caractérise le sujet. En dépit de cette universalité, la version française du livret (signée Catherine Fourcassié), fait le choix d’une traduction « contemporaine », reposant sur des expressions empruntées à un registre langagier volontairement proche du familier. L’actualité du moment apparaît également en creux dans les choix de la mise en scène, qui n’hésite pas à conférer à l’adaptation du conte de Grimm une composante écologique. Chaque fois que Jacob va à la mer, il découvre un élément de plus en plus pollué, souillé par les exigences croissantes d’une humanité imbécile et égoïste, soucieuse uniquement de son confort personnel et de ses avantages matériels.
L’interprétation musicale est portée par les interventions du percussionniste Pierre-Loïc Le Bliguet et le chant soigné de la mezzo-soprano Claire Péron, jeune chanteuse de l’Opéra studio de l’Opéra National du Rhin dont on se plaira à suivre l’évolution de carrière. Même si l’écriture très déclamée de la partition ne met pas particulièrement l’instrument en valeur, quelques phrases au contour très mélodique permettent cependant d’apprécier les qualités de legato de la jeune chanteuse.
On notera pour finir la qualité pédagogique de la documentation distribuée au public, qui tout en étant conceptuellement adaptée aux adultes met l’accent sur certains éléments utiles pour les plus jeunes, comme par exemple les explications nécessaires pour bien comprendre l’utilisation de l’instrumentarium.