Petit effectif vocal, Grande Messe de Mozart par Minkowski à la Philharmonie
Le
choix d’un effectif choral réduit repose sur le fait que la Messe
en ut
fut créée dans l’Église
Saint-Pierre
de Salzbourg dont, comme le souligne Marc Minkowski, la petite taille
ne pouvait accueillir un nombre conséquent de musiciens. Les parties
de chœur
sont donc interprétées ici
par douze chanteurs confirmés (les solistes y participant) et
que le chef
présente
ainsi : « une
valeureuse brochette ! »
Stanislas de Barbeyrac, premier soliste à sortir du rang pour la pièce de Haendel, en impose immédiatement par une forte présence vocale. Il délivre le message initial (la musique est à l’origine du monde), d’une voix puissante au timbre velouté dans un allemand irréprochable. Sachant être vaillant quand il en appelle au combat avec les trompettes et les timbales, il ne perd jamais la rondeur dans la projection. Sa palette vocale s’enrichit également de sons piano en voix délicatement mixée afin d’évoquer les Séraphins. Le pupitre de ténors est d’une rare richesse lorsqu’il rejoint ses deux collègues, François Pardailhé et Lisandro Nesis au sein de l’ensemble.
Ayant fait ses débuts dans le rôle de Fiordiligi (Cosi fan tutte de Mozart) sous la baguette de Marc Minkowski, Ana Maria Labin poursuit cette collaboration en assurant les parties de soprano solo dans les deux œuvres du programme. La grande suavité de son timbre, adouci par un vibrato rapide et souple, se marie avec le luth mélancolique et la flûte langoureuse dans une page haendelienne tout en tendresse recueillie. Sa grande maîtrise technique lui permet mille couleurs dans Et incarnatus est de la Messe, variant son timbre en fonction des instruments auxquels elle répond. Elle produit des effets d’échos dans les grands développements du numéro. Si les graves en voix de poitrine restent fragiles et peu sonores, elle s’envole agilement vers des aigus tout en retenue, suggérant la tendresse et l’émerveillement de Noël.
Chanter en ensemble est chose familière pour Ambroisine Bré formée au sein d’une maîtrise et qui exécute la partie d’alto auprès de Marie-Andrée Bouchard-Lesieur et d’Owen Willetts. C’est également comme soliste que le public l’apprécie. Son agilité sur toute la tessiture met en valeur les lignes mozartiennes richement ornées du Laudamus te. Son timbre florissant et précis dévoile la grâce mélodique de l’air, dans le style des airs d’opéra. Elle concerte avec la soprano lors du duo Domine, apportant la chaleur de son timbre de mezzo et des aigus affirmés. Cependant, son vibrato serait une ornementation à part entière s’il n’était pas systématiquement absent aux attaques.
Bien que les parties de basse solo (dans l’œuvre de Haendel comme celle de Mozart) occupent une place plus confidentielle, Norman D. Patzke les interprète magistralement d’une voix ample et généreuse à la vocalité précise. Antoine Foulon et Sydney Fierro le secondent, présentant un pupitre de basses plein de vigueur.
Constance Malta-Bey, Léa Frouté et Sophie Garbisu marient enfin leurs voix de soprano dans un beau son d’ensemble homogène très nuancé. Quelques raideurs de timbre apparaissent lors des doubles chœurs, ici deux quatuors, renforçant la plainte âpre du Qui tollis (Prends pitié de nous).
Belle soirée en compagnie d’Haendel (Ode à Ste Cécile) et Mozart (Messe en ut). Minkowski dirigeait ses @mdlgrenoble à la @philharmonie, une bonne occasion d’entendre @StandeBarbeyrac ! pic.twitter.com/9IsfsZJxty
— Guillaume Giraudon (@Guiguiii94) 15 décembre 2018
L’originalité de ce concert réside également dans le choix de la version orchestrée par Mozart de L’Ode à Sainte-Cécile. Marc Minkowski s’en explique au début du concert, rappelant l’adoration de Mozart pour Bach et Haendel (la découverte de leur musique sera un choc pour lui) et démontrant que son orchestration est à la fois un hommage au temps passé avec l’utilisation du luth, instrument rare à Vienne, mais demeurant à la fois bien ancrée dans son époque avec la présence de clarinettes au sein des bois et d’un Glassharmonica, instrument chéri par le compositeur.
La complicité des Musiciens du Louvre avec leur chef est indéniable, ceux-ci répondant à la gestique peu conventionnelle de ce dernier (bras levés pour demander plus de vigueur ou marquant toutes les croches afin d’obtenir plus de dynamisme). L’équilibre avec les voix est continuellement respecté et les dynamiques sont inventives que ce soit dans l’énergie ou la suavité. Les pages musicales offrent une part belle aux bois, notamment dans Et incarnatus est où le basson, le hautbois et la flûte se joignent à la soprano dans un dialogue raffiné et suspendu. L’air de la soprano avec le Glassharmonica est également un moment de grâce, les deux timbres se retrouvant dans les sphères d’harmoniques aiguës pour un instant féerique.
Cette nouvelle approche d’œuvres majeures du répertoire, marque de fabrique de Marc Minkowski et de son orchestre, enchante le public qui ovationne les artistes chaleureusement.