Hamlet renaît à l’Opéra Comique
Cette nouvelle production d’Hamlet d’Ambroise Thomas démontre une très rare cohérence théâtrale et musicale. Ce spectacle fort et pénétrant s’ouvre aux technologies modernes, dont la vidéo qui à aucun moment ne cherche à dénaturer l’ouvrage, mais qui bien au contraire, le sert dans toute sa vérité et son intensité dramatique. Conçu pour l’Opéra de Paris, Hamlet aurait pu se retrouver à l’étroit Salle Favart. Il n’en est fort heureusement rien : le metteur en scène Cyril Teste a choisi d’utiliser la totalité de la scène, découverte ainsi dans toute sa largeur et toute sa profondeur jusqu’au mur de scène. Quelques éléments de décors mobiles, un rideau blanc qui délimite les scènes et sert par ailleurs d’écran de projection, des bouquets de fleurs, suffisent à emplir l’espace.
Les vidéos de
Nicolas Dorèmus et Mehdi Toutain-Lopez se font une partie du temps
en caméra mobile à l’épaule, suivant le chanteur au plus près
depuis les coulisses et jusque sur la scène. Elles soulignent ainsi
la solitude d’Hamlet, la désespérance d’Ophélie ou l’ambiguïté
de Claudius. Cyril Teste utilise aussi la salle elle-même pour
élargir le propos notamment pour l’entrée majestueuse du nouveau
roi Claudius, ou pour celle des membres de la cour. Le Spectre surgit
à l’orchestre au milieu des spectateurs pour interpeller son fils
Hamlet, sous un puissant faisceau lumineux.
La troupe de chanteurs est totalement engagée dans la démarche, le résultat d’ensemble convainc par sa précision et sa pertinence. L’ouvrage semble s’offrir une nouvelle jeunesse. Stéphane Degout donne une interprétation intense et saisissante d’Hamlet, avec toutes ses tensions et interrogations. La voix s’élève, profonde et majestueuse, rayonnante aussi, avec un legato souverain et une amplitude conquérante. Libre de toute contrainte, Sabine Devieilhe se joue des cascades de vocalises, aigus et suraigus qui parsèment le rôle d’Ophélie dont elle propose un portrait tout en douceur et en fraîcheur. Le timbre constamment lumineux, la hauteur de l’émission, la beauté expressive des pianissimi touchent l’oreille et le cœur.
Annoncée souffrante, Sylvie Brunet-Grupposo, en dehors de quelques tensions perceptibles, impulse beaucoup de caractère au rôle de la Reine Gertrude. La voix saisit par son timbre ténébreux, ses profondeurs, sa largeur même. À ses côtés, la maturité vocale et la persuasion du chant de Laurent Alvaro siéent à sa personnification de Claudius. Jérôme Varnier campe un spectre de caractère avec sa voix de basse adroitement conduite, aux graves sonores. Julien Behr livre un chant inspiré et vif en Laërte : sa ligne de ténor se déploie avec assurance et un sens musical remarqué (seul l’aigu semble lui poser quelques soucis en termes de franchise d’émission). Kévin Amiel (Marcellus/2ème fossoyeur) et Yoann Dubruque (Horatio/1er fossoyeur) se complètent, le premier démontrant ses qualités de ténor lyrique, le second donnant à entendre une voix de baryton déjà bien assise et facile.
Louis Langrée, grand défenseur de
cette musique trop souvent délaissée, se donne sans partage à la
tête de l’Orchestre des Champs-Élysées.
Sa direction exalte la musique d’Ambroise Thomas en
faisant ressortir ses réelles beautés, sa force expressive, son
caractère particulier. Chaque pupitre de l’orchestre participe de
cette réussite, dont le titulaire du saxophone appelé en
scène pour interpréter son magnifique solo, particulièrement
innovant pour l’époque, à l’acte II. Le chœur Les Éléments,
préparé par Joël Suhubiette apparaît à l’unisson du chef.
Une soirée qui permettra, il
reste à le souhaiter, qu’Hamlet soit désormais plus présent sur
les scènes lyriques.
Réservez vite vos places pour assister à cette production