La Traviata de Diana Damrau et Juan Diego Flórez ovationnée en direct du Met
Le
metteur en scène Michael Mayer crée le lien entre Marnie et La Traviata, puisqu’il signe la mise en scène des deux productions,
qu’il a sans doute dû mener de front. Il choisit ici un décor
unique en
demi-cercle, inspiré d’un salon XIXème, dont les nombreuses
entrées sont encadrées de décors floraux et
dorés grimpant jusqu’au plafond ouvert. Cette évocation de la
nature sert le propos principal du metteur en scène qui souhaite
illustrer le temps qui passe au fil des saisons. Le premier tableau
s’ouvre ainsi en hiver, où Violetta est sur son lit de mort,
entourée
de ses proches, puis le printemps s’éveille car celle-ci se
remémore les « beaux rêves souriants du passé ».
L’été se déroule dans la maison de campagne avec Alfredo, avant
que le père de celui-ci ne vienne gâcher les vacances. L’automne
est consacré à la fête chez Flora, puis l’hiver revient
définitivement, scellant le sort de la pauvre Violetta.
Très joliment mis en lumière par Kevin Adams, le décor change de couleurs et ne lasse pas. Un soin particulier est également apporté aux costumes créés par Susan Hilferty, tous très richement ornementés, mélangeant les styles et les coupes. Le spectacle pourrait souffrir de cette abondance d’ornements, mais ce choix est assumé et une nouvelle fois, la mise en lumière adoucit ce qui pourrait avoir un impact visuel trop important. Cette esthétique foisonnante laisse ainsi la place à l’émotion grâce à une direction d’acteurs juste, qui n’échappe certes pas à quelques gestes conventionnels inspirés par les costumes d’époque.
Les chanteurs puisent dans la partition toute la palette expressive que Verdi lui a donnée. Et cela grâce à la direction remarquée de Yannick Nézet-Séguin, son soin particulier apporté à la ligne mélodique et aux tempi très variés. Dès l’ouverture, le choix d'une certaine lenteur laisse se déployer une délicatesse particulière, contrastant avec les cadences finales des actes particulièrement enlevées.
La distribution vocale excelle jusque dans les seconds rôles, avec le vif Baron Douphol de Dwayne Croft à la voix présente, le docteur Grenvil au timbre élégant de Kevin Short, la Flora de Kirstin Chávez à la présence sonore et enthousiaste. À noter également Maria Zifchak dont la voix chaude campe une touchante Annina ainsi que Jeongcheol Cha et Scott Scully, respectivement Marquis d’Obigny et Gastone, tous deux très convaincants. Le Chœur du Metropolitan Opera est en phase avec la direction du chef canadien, toujours parfaitement en rythme, et offre de magnifiques ensembles.
Dans
une telle œuvre, la lumière est évidemment braquée sur le trio
qui incarne Violetta, Alfredo et Giorgio Germont. Comme à son
habitude, le Met propose une distribution de prestige, à commencer
par Quinn Kelsey dans le rôle de Germont père. D'un
timbre
vibrant, sa voix facilement projetée est hautement
plaisante et de très chaleureux applaudissements ponctués de bravi
accueillent
« Di
Provenza il mar il suol »
du deuxième acte.
Juan Diego Flórez aborde pour la première fois le rôle d’Alfredo mis en scène. À 45 ans, le ténor péruvien n’a aucun mal à paraître juvénile aussi bien physiquement que vocalement grâce à son timbre clair et même léger. Par sa grande expérience belcantiste, ses aigus sont faciles et son phrasé nuancé, grâce notamment à un souffle très ample. Il offre en outre une réelle personnalité à son héros, jusqu'à une scène finale particulièrement touchante.
Diana Damrau est quant à elle très habituée au rôle de Violetta. Elle l’aborde ainsi avec maturité, expérience et une technique vocale impressionnante. Son timbre riche s’appuie sur une grande longueur de souffle, ce qui lui permet de nuancer ses phrases avec facilité et délicatesse. Les vocalises de « Sempre libera » trouvent une sensualité certaine, contrastant avec la tendresse de ses accents dans le duo avec Germont au deuxième acte. Après une scène finale poignante, le rideau se lève sur la chanteuse, seule, accueillant ainsi une ovation debout.
Ovation qui se prolonge pour l’ensemble de la distribution et en particulier pour Yannick Nézet-Séguin et ses musiciens (qu’il fait monter sur scène) : ils ont conquis le public à New York et dans les salles de cinéma.