Don Pasquale à La Monnaie de Bruxelles, pyrotechnie comique
Loin des dernières productions sombres, ferreuses, audacieuses et sanguinaires à Bruxelles (voir les comptes-rendus de De la maison des morts, La Flûte enchantée, Orfeo & Majnun, Bartók et Barbe-Bleue, Lohengrin), Don Pasquale offre drôleries et rebondissements (certes cruels) avec simplicité. Loin d’être une simple bouffonnerie, l'opus se distingue cependant par ses contrastes et une maturité qui marque d’ailleurs la fin d’un genre et d’une époque lors de sa création. Entre le chanté-parlé d’un théâtre réaliste quasi vaudevillien et une partition opératique très exigeante, Don Pasquale est défendu par le chef Alain Altinoglu comme le chef-d’œuvre absolu de Donizetti.
Inclusif, le décor en anamorphose offre une construction ouverte d’architecture, celle d’un appartement bourgeois bientôt sens dessus dessous, vide, où seul trône le fauteuil d’un vieillard. La mise en scène de Laurent Pelly se veut efficace pour une histoire qui va droit au but. Dans cette épure stylistique, le jeu théâtral des chanteurs brille de liberté, tourbillon agile dont chacun tire avec précision les ficelles de l’arnaque. La mise en abyme du théâtre où chacun joue le jeu de la ruse laisse entendre des voix transformées et des arias habiles pour un résultat doux-amère et vif.
Michele Pertusi brille en Don Pasquale d’une voix puissante, mature et assombrie par la vieillesse. La basse italienne peut se targuer d’un talent scénique désopilant mais aussi d’une maîtrise d’un chanté libre, au phrasé naturel. La voix jamais poussive, détache chacune des impossibles difficultés dans une bonne attitude bourgeoise et franche.
La jeune Norina, incarnée par Danielle de Niese avec une sensualité constante, gracile et vocale, libre dans un rôle de jeune séductrice timide, se révèle ensuite violente, cruelle, théâtrale. Sa chorégraphie scénique s’accompagne de vocalises libres et maîtrisées. Ses aigus, simples d’attaque, sont pourtant ornementés, élégants, acides dans les soutiens, nourrissant une voix généreuse et surprenante. Une dualité vocale qui nourrit celle du rôle.
Purement italienne et bel cantiste, la voix de ténor de Joel Prieto, au service du rôle d’Ernesto se révèle très dessinée, élégante et pure. Romantique, fine et piquée, la partie offre au chanteur une étendue de graves sensibles et aux aigus fluides avec un noble phrasé. Rival du grand Don Pasquale, le vil baryton Dr Malatesta dessine une voix aiguisée et véloce. Habile, vif et prodigieux malgré la partition difficile, Lionel Lhote triomphe avec aisance dans une prestation remarquée. Les respirations sont rapides et la puissance en impose, prenant quelques distances avec le style vocal de l’opera buffa, dans un tour de force entre perversité de ton et maîtrise vile.
Enfin, la trop courte apparition du notaire est à mourir de rire grâce au phrasé haché et à la voix nasillarde d'Alessandro Abis.
Servie par la finesse redoutable d’une direction musicale à la pointe, la partition de Donizetti, révèle -avec son évidence- sa richesse et sa complexité vibrante. Accompagnée des chœurs de La Monnaie, toujours précis et aux aigus étoffés, la distribution lance à merveille la saison des fêtes.