Expressifs et sages Actéon et Pygmalion à l’Opéra Royal de Versailles
Les mises en scène de Marshall Pynkoski s’attachent en premier lieu, comme pour ses spectacles précédents montés pour la compagnie canadienne, à renouer avec une certaine esthétique d’époque, sans chercher à tout réinterpréter ni à reconstituer au plus près des connaissances musicologiques actuelles la production d’origine (retrouvez nos comptes-rendus de leur dernier spectacle : Médée de Charpentier à Versailles et à Toronto). La rhétorique baroque vient ainsi s’intégrer à une approche qui se veut plus contemporaine, débarrassée de certains tics trop souvent employés. Pour créer l’ambiance, il utilise un système de toiles peintes qui se succèdent ou se conjuguent, mais qui semble quelquefois hésiter entre les époques. Le grand cœur qui illumine la fin de Pygmalion apparaît ainsi presque insolite.
Les costumes (Gerard Gauci pour Actéon, Michael Gianfrancesco pour Pygmalion), dans leurs diversités apparaissent bien en situation, parfois fort beaux (l’archange aux ailes rouges déployées). Se situant dans ce même esprit, Jeannette Lajeunesse Zingg, chorégraphe attitrée de la compagnie, renoue avec les caractéristiques de la danse baroque, mais heureusement sans excès. Elle introduit dans sa danse des positions, des sauts, des attitudes plus modernes qui donnent un éclairage un rien plus actuel à l’ensemble. Pour autant et pour les deux ouvrages, le résultat global apparaît sage, bien rangé, presque trop lisse pour déployer flamme et intensité.
L’ensemble des artistes présents joue avant tout le jeu du collectif et de la cohérence. La danse et le chant font intimement partie de leur cursus et de leur formation. Le ténor à l’allure juvénile Colin Ainsworth incarne successivement Actéon et Pygmalion avec une pleine conviction. Ce dernier rôle notamment lui permet d’exposer une voix aux franches harmoniques qui se rapproche de la haute-contre à la française, avec de faciles envolées et une réelle aisance sur toute la tessiture. Par contre, les parties vocalisées déstabilisent quelque peu la ligne de chant.
La voix de la soprano Mireille Asselin peine à se faire entendre dans le rôle de Diane, mais retrouve ses couleurs naturelles dans sa composition du dieu Amour dans Pygmalion. Allyson McHardy possède la véhémence requise pour Junon et son chant puissant, racé, vient justement animer sa partie dans Actéon. La soprano Meghan Lindsay semble bien s’épanouir dans les différents rôles qui lui sont dévolus, Aréthuze, une chasseuse, Galathée, même si elle doit veiller sur la justesse. Les rôles plus secondaires, malgré la brièveté de leurs interventions, permettent de distinguer tout particulièrement le baryton au timbre cuivré, aux moyens solides de Jesse Blumberg (un Chasseur), les autres interprètes semblant moins intensément présents dans les ensembles : le ténor Christopher Enns (un Chasseur) au joli timbre par ailleurs, Anna Sharpe (une Nymphe), Cynthia Smithers (une Nymphe, une Chasseuse). Mais il s’agit de jeunes chanteurs qui font leurs premiers pas dans le répertoire baroque ou l’oratorio.
L’Opéra Atelier Toronto a fait appel à l’excellent Chœur français Marguerite Louise dirigé par Gaétan Jarry qui, depuis la salle et non la scène, démontre une nouvelle fois sa pleine maîtrise de ce répertoire : l’homogénéité est remarquée, les différents pupitres de haut vol. David Fallis placé à la tête du Tafelmusik Baroque Orchestra, aborde avec énormément de sérieux et de pesanteur Actéon. Par contre, Pygmalion lui permet d’impulser une dynamique plus affirmée, une diversité dans les couleurs et surtout de laisser libre cours à sa sensibilité. En préambule de Pygmalion, le violoniste de l’orchestre Edwin Huizinga proposait une sorte de partita de sa composition intitulée Inception, dansée et chorégraphiée par Tyler Gledhill.