Purcell Songs & Dances par Tim Mead à la Salle Gaveau
L’ouverture se fait sur le Curtain tune (Air du rideau, justement) avec les cordes des Musiciens de Saint-Julien, frottées, pincées et grattées au diapason, installant l’auditoire dans l’esprit de Purcell. Le rythme se calme, Tim Mead se lève sur une gamme ascendante, ronde et pleine à la viole de gambe, déclare un « O, solitude » entre un aigu interpellant et un médium résigné. La voix est d’une grande majesté, d’un timbre ambré, dont les aigus comme les notes les plus basses apparaissent avec un grain très agréable à l’oreille et juste à l’expression. Le vibrato, mesuré et contrôlé, sert une articulation intelligemment menée. En outre, le contre-ténor sert sa langue natale avec prouesse et une certaine élégance, mettant l’accent là où la prose le suggère dans un discours qui n’est pas que notes mais aussi mots pleins de sens. Les deux flûtes de l’ensemble le rejoignent pour offrir leur sonorité chaleureuse dans une Charming Night (The Fairy Queen) tandis que le contre-ténor s’élance vers de premiers mélismes à la tenue suave et douce.
Les airs se succèdent, sur le ground (basse obstinée) syncopé du clavecin pour Here, the Deities Approve aux myriades d’ornements légers contrastant avec une voix décidée et installée, puis le ‘Tis nature's voice où les vocalises s’enchaînent avec souplesse dans une légère agitation sur les nappes de l’orgue et du théorbe, pour laisser place à des glissandi expressifs. Revêtant l’habit du Roi Arthur, il évoque la Fairest Isle avec attention dans le phrasé, naturel dans les lignes, une souplesse qui contraste avec les saccades de la Cold Song dont il fait monter toute la tension jusqu’au « death » final (au "d" presque "t" par un appui expressif). Finalement, c’est par une ode à la musique que le contre-ténor achève son programme, avec les quatre vers du Strike the Viol, Touch the Lute dont les « Strike » bien roulés donnent du mordant à l'air.
Dirigés par François Lazarevitch, Les Musiciens de Saint-Julien gratifient l’auditoire de pièces instrumentales choisies avec tact, montrent l’inventivité du compositeur baroque avec de beaux mouvements dansés (la Chaconne, la jig, un Scotch Tune), puis s’adonnent à une Fantazia upon a ground, dont les multiples variations mélodiques et rythmiques sont investies avec ferveur par des lignes ciselées ou staccati. L’ensemble fait alors preuve d’une belle énergie. Quelques décalages et une certaine timidité au niveau des cordes viennent parfois l’atténuer, mais c’est sans compter sur François Lazarevitch, dont l’assurance dans le jeu à la flûte ou à la musette porte l’ensemble avec vigueur.
Outre une reprise de la chanson populaire écossaise prise à bras le corps, les interprètes rendent hommage à John Dowland avec un Flow my tears suspensif, dont le contre-ténor file une mélancolie que vient parfois doubler la flûte du chef jusqu’en de longues tenues évanescentes.