La beauté du repos céleste par Spinosi et l’Ensemble Matheus
C’est de nouveau dans le superbe écrin de la Chapelle de la Trinité que Les Grands Concerts de Lyon accueillent l’Ensemble Matheus et son chef Jean-Christophe Spinosi, rejoints pour ce programme par une trentaine de choristes de la Maîtrise des Hauts-de-Seine et Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris.
La soirée débute avec la délicate Pavane pour une infante défunte de Maurice Ravel (1875-1937), composée en 1899. Si les instrumentistes de la petite harmonie offrent des soli précieux, l’attention de la direction est particulièrement soignée quant aux motifs mélodiques, au détriment d’une vision plus globale. Il en ressort alors une certaine nervosité, notamment dans les moments de silences qui précédent des attaques un peu rudes, manquant surtout de respiration. Toutefois, la musique et les indéniables talents d’orchestrateur de Ravel ravissent, tout comme la nostalgique Pavane pour chœur et orchestre de Gabriel Fauré (1845-1924). Malgré un départ un rien douteux, certaines cordes ayant vraisemblablement du mal à saisir le tempo, l’orchestre est coloré et le chœur davantage encore, particulièrement grâce aux voix angéliques des enfants, très attentifs : connaissant par cœur leur partition, ils ne quittent ainsi jamais le chef des yeux. L’homogénéité et la précision de leur chant s’allient alors à la simple évidence du Cantique de Jean Racine, dans la version pour chœur et orchestre. Composée alors que Fauré n’avait que dix-neuf ans, cette courte œuvre dédiée à César Franck prend pour texte l’un des hymnes du Bréviaire romain traduits par Jean Racine et en fait une berceuse.
Dans une modeste et sympathique présentation –étonnamment perturbée par les aboiements d’un chien, pas si lointains–, le chef propose d’interpréter le Requiem de Fauré comme le moment du passage entre la vie et la mort, qui se termine par les portes mêmes du Paradis (« si l’on a été sage ! »). Après les terribles et lourds accords de l’orchestre, les murmures « Requiem » du chœur créent un contraste saisissant, voire mystérieux, duquel sortent les ténors pour un touchant « Requiem æternam », précédant le Kyrie. Pour l’Offertoire, Jean-Jacques L'Anthoën interprète « Tu suscipe », avec une voix qui gagne en assurance après avoir semblé impressionnée, manquant de justesse et de maintien, mais qui devient même impérieuse lors du Libera me, avec un timbre chaleureux et doux, aisément projeté. Suivant les puissants moments du « Gloria tua » par le chœur dans le Sanctus, Nina Spinosi apparaît sur scène pour le Pie Jesu. Son timbre clair est soutenu par un vibrato qui gagnerait à se déployer sur tout l’ambitus. L’attention portée à sa diction et à ses phrasés permet ainsi une interprétation simple et seyante. Le Lux Æterna est une partie justement lumineuse et à ce titre très touchante grâce aux couleurs du chœur, transmettant une réelle sensation d’espérance. Un moment d’apaisement et de repos pour clore le Requiem.
Pour remercier les heureux applaudissements du public de la Chapelle de la Trinité, toujours comble, Spinosi propose de rester dans les hauteurs, offrant en bis le sublime Cantique de Jean Racine. Les spectateurs ne cachent pas leur plaisir à cette annonce et n’en sont absolument pas déçus.
L'Ensemble Matheus et Jean-Christophe Spinosi reviendront à la Chapelle de la Trinité pour Rinaldo, qu'ils joueront également à Versailles, concert pour lequel vous pouvez réserver vos places ici !