La Petite Messe Solennelle de Rossini, grand projet pédagogique en Ré Majeure
Une
Marche
funèbre
de Cherubini en ouverture du concert (par
l’Orchestre du Pôle d'Enseignement Supérieur de la Musique et de
la Danse de Bordeaux et l’Orchestre du Conservatoire de
Bordeaux)
établit
la
gravité et l’émotion
pour
introduire la Messe
de Rossini, dite
“Petite Messe” car
la
version originale ne demandait que « douze
chanteurs des trois sexes, hommes, femmes et castrats »
(comme
le note Rossini
sur la page de garde du manuscrit), avec deux pianos et un harmonium. La version orchestrale est bien
plus importante, et cette “petite Messe” mobilise cent
trente-cinq exécutants (musiciens et choristes) durant
1h30 !
Dans les grands moments d’exaltation, comme ceux du Credo ou du Gloria, Marc Minkowski, par sa direction enthousiaste et ses amples indications soulève sans mal musiciens et choristes (Jeune Académie Vocale d'Aquitaine et Chœur voyageur de Bordeaux). Il est au contraire très méticuleux, attentif et protecteur pour les solistes, qui chantent tout près de lui, assurant au mieux la connivence.
Très émouvante, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur développe sa voix de mezzo équilibrée, avec un legato fondant. Visiblement habitée par la musique qu’elle transmet, surtout dans l’Agnus Dei, la soliste lève les yeux de la partition, offrant au public un visage ému et radieux, colorant d’autant son chant et accentuant les consonnes doublées « Agnus Dei, qui tollis peccata mundi ». Le style de la soprano Léa Frouté est plus distancié. Sa jeune voix est encore un peu blanche et serrée dans les aigus. Ses graves sont très beaux a cappella (sans accompagnement) mais un peu pâles, et peu audibles dans les ensembles. Toutefois, elle chante parfaitement juste, et la voix se déploie largement, pure et lumineuse sur les notes tenues.
Le ténor, Fabrice Lopez, à la voix claire et bien projetée, chante sans nuances ni modulation, mais sert la musique avec fidélité, tandis que le baryton-basse Antoine Foulon présage d’un beau timbre verdien, riche et puissant, aux couleurs ursines.
Cette Messe, que Rossini a voulu inscrire dans le grand courant de la musique sacrée, reste fort émouvante, mais souvent dans la retenue et la pudeur. Le Dona nobis pacem final est à cet égard un modèle d’apaisement et de modestie. Mais la présence masquée, dans cette œuvre solennelle, du jeune et brillant Rossini, lui donne une hésitation, une sorte de distanciation qui n’est pas son moindre intérêt. Dans ce que Rossini appelle lui-même le “dernier péché mortel de [s]a vieillesse”, se côtoient la gaîté bien connue, l’appétit du bon vivant et les inquiétudes d’un homme parfois pessimiste et dépressif, tout proche de sa fin. La belle formation réunie par Marc Minkowski transmet cette richesse, enthousiasmant le public. Quant au chef, il fait une fort chaleureuse “tournée” de toute son équipe, congratulant longuement tous les pupitres.