Le Faust du ténor Thomas Bettinger s’impose avec talent à l’Opéra de Metz
Présent pour cette reprise à Metz, Raymond Duffaut est venu assister à cette production du Faust de Charles Gounod qui a marqué son départ de la direction de l’Opéra d’Avignon en 2017, au terme de plusieurs décennies de bons et loyaux services. Il avait alors choisi de confier la mise en scène à son épouse Nadine Duffaut dans le cadre d’une coproduction avec les opéras d’Avignon, Massy, Reims ainsi que Marseille -elle y sera présentée en février 2019 avec une distribution alléchante comprenant entre autres Nicole Car (Marguerite), Jean-François Borras (Faust) et Nicolas Courjal (Mephisto)-, puis Nice pour conclure en mai prochain (réservations à partir de 14 €). Chaque théâtre a constitué, à une ou deux exceptions près, sa propre distribution vocale et a choisi son directeur musical. Ôlyrix a déjà rendu compte à différentes reprises de cette mise en scène, tout récemment encore à l’occasion des représentations à l’Opéra de Reims. Cette vision en un décor unique du déroulé de l’action sous les yeux du vieux Docteur Faust, à la fois épouvanté et désorienté, n’apparaît pas sans pertinence et même force. On peut toutefois regretter le quasi immobilisme des chœurs lors de la fameuse valse Ainsi que la brise légère. Cette production de Faust est donnée avec le ballet, fort bien réglé par le chorégraphe Éric Belaud, Directeur du Ballet de l’Opéra Grand Avignon, et les excellents danseurs de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole.
La direction musicale du chef belge Cyril Englebert, déjà présent à Reims, placé à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Reims, participe de beaucoup à la réussite de la représentation. Particulièrement attentif au plateau et aux départs des chanteurs, il n’en oublie pas de donner toute sa signification à la musique de Gounod, avec une sensibilité expressive toujours soutenue et des exigences qui portent l’orchestre à exprimer le meilleur de ses capacités. Beau travail d’ensemble par ailleurs des chœurs des opéras de Metz et Reims.
Luca Lombardo imprime beaucoup de caractère au personnage du vieux Faust : la voix a conservé ses pleines possibilités et sa vaillance dans la première scène de l’ouvrage l’opposant à l’apparition de Méphistophélès. Thomas Bettinger prend ensuite le relais en conférant au jeune Faust une jeunesse pleine d’allant et d’insouciance. Avec son timbre clair et racé, il développe un legato de grande manière, constamment soutenu. L’aigu sonne franc et parfaitement placé. Une interprétation solide et vivante qui augure bien de ses prochaines incarnations, Rustighello dans Lucrezia Borgia de Donizetti à Toulouse en janvier 2019, Le Chevalier Des Grieux de Manon de Massenet un peu plus tard à l’Opéra de Bordeaux. La saison prochaine lui réserve Le Chevalier de la Force dans Dialogues des carmélites de Francis Poulenc au Capitole de Toulouse ou Lenski d’Eugène Onéguine à l’Opéra de Marseille.
Chloé Chaume aborde le rôle de Marguerite avec l’innocence qui sied, mais aussi un tempérament certain qui se révèle à la scène finale, celle de la mort de l’héroïne et de sa rédemption. Le matériau vocal, après cette difficile prise de rôle, reste à peaufiner pour diversifier l’approche, les couleurs, le soutien. Si la scène du jardin convainc, la redoutable scène de l’église l’éprouve par sa dimension dramatique et sa profondeur.
Le baryton-basse Homero Pérez-Miranda (Mephisto), peine dans les graves et la voix pour large qu’elle soit, fait valoir un vibrato excessif : la présence scénique est plus marquante cependant. Guillaume Andrieux campe un Valentin jeune et attachant, mais qui au plan vocal montre ses limites : le rôle demande une voix plus intensément large, plus assise. De même, Rémy Mathieu au ténor agréable mais un peu léger peine en Siebel, tandis qu’Annie Vavrille donne corps à une Dame Marthe consistante et scéniquement fort à l’aise. Un Faust bien accueilli par le public messin venu en nombre.