Le Mariage secret à l’Opéra de Liège, survitaminé et complice
Un vrai retour au burlesque dans les règles de l’art sous la sémillante direction musicale du jeune chef d’orchestre Ayrton Desimpelaere (28 ans) et dans la mise en scène de Stefano Mazzonis di Pralafera.
Habitué des pièces plutôt classiques, l’Opéra de Liège trouve ici une parfaite occasion de montrer la qualité de réalisation des décors faits mains, des costumes à l’esthétique coquette parant son amour d’un art théâtral frivole et plein d’énergie. La mise en scène d’apparence simple mais construite révèle un vrai travail artisanal : elle évolue selon les deux actes et huit tableaux avec une élégance minimaliste. Entre une noblesse littéralement loufoque et des fardages à la Tim Burton, les personnages sont distribués avec une touche d’humour parfois caricatural mais homogène dans les voix et caractères. Chacun des chanteurs y trouve son compte et la complicité de jeu se fait sentir.
Ici donc priment les qualités de jeunesse et la maturité avec une précision remarquable pour le plateau vocal. Céline Mellon, jeune soprano, incarne Carolina et s’offre avec une facilité déconcertante, la voix souple, acidulée ronde et piquée. Charmante, caractérielle et pleine de fraîcheur, elle dresse le portrait de la jeune promise affirmée, exubérante et délicate. Tout aussi précise, Sophie Junker, dans le rôle de la sœur Elisetta, désabusée et délaissée, s’impose avec une voix colorée et une affirmation des notes mordantes, pétillantes. Les influences baroques se font sentir, la voix claire et noble, jamais poussive, est même sublime dans les airs tristes et colériques. Vif et délicat, le jeu de Sophie Junker rappelle Javotte, sœur échevelée de Cendrillon, offrant des aigus stridents de jeune peste avec un comique rare. Légèrement en reste, la troisième sœur Fidalma, jouée par la mezzo-soprano Annunziata Vestri semble manquer de profondeur dans les graves. Malgré de belles notes, le souffle est parfois court, et le phrasé un peu fragile.
Habitué des lieux, Patrick Delcour semble à son aise dans le rôle de Geronimo, en vieillard défraîchi, exubérant et légèrement sourdingue. Si dans une autre production, ses faiblesses de voix avaient pu sembler en décalage, elles trouvent ici une convenance à la mesure de son personnage. Légèrement fatiguée, la voix ronde et les graves certes un peu courts, son jeu scénique convainc pourtant. Matteo Falcier offre sa voix avec des aigus bien souvent dessinés et gracieux. Sa liberté dans la ligne de chant laisse entendre quelques imperfections, loin d’être gênantes. Dans cet univers mettant les femmes à l’honneur, et malgré la belle complicité de jeu, Paolino s’efface un peu. Galanterie négligeable compte tenu des belles intonations, précises et appuyées du chanteur, qui reste convainquant. Légèrement en reste, le baryton Mario Cassi semble manquer de poids scénique, mais se rattrape grâce à une ligne de chant sophistiquée, naturelle et légère. La voix du Comte Robinson sculpte de beaux arrondis et de très beaux graves délicats.
Un grand début en tant que maestro lyrique pour Ayrton Desimpelaere, pour un très beau pari de l’Opéra de Liège qui aime miser sur les jeunes talents. Le résultat pourra satisfaire les férus du genre autant que les néophytes (voire même les réticents à l’opéra).