Samson et Dalila à grand spectacle en direct du Met
Le premier tableau de la production signée Darko Tresnjak s'ouvre sur une grille ajourée évoquant un moucharabieh. Le metteur en scène cherche à faire du chef-d’œuvre opératique de Camille Saint-Saëns un spectacle superlatif, mais bute sur un choix peu subtil des décors et des costumes, tout comme la direction d’acteurs manquant de mouvement. Le décor du premier acte se compose ainsi d’un grand escalier entouré de deux blocs circulaires affublés de deux balcons desquels des soldats Philistins observent les esclaves Hébreux se lamentant sur leur sort. Puis, sans réellement s’en alarmer, ils assistent à l’arrivée de Samson et au soulèvement des Hébreux, avant que le décor n’accueille Dalila et sa cour dans un foisonnement d’esthétisme orientaliste. Au cours du deuxième acte notamment, les chanteurs sont cantonnés à des attitudes conventionnelles et l’émotion musicale n’est malheureusement pas soutenue par une intention dramatique.
Enfin, le troisième acte s’ouvre sur un Samson enchaîné, tournant une meule dans sa prison puis, grâce à un spectaculaire changement de décor applaudi par le public new-yorkais, se poursuit dans le temple philistin à la gloire de Dagon, représenté par une immense statue dorée divisée en deux, aménageant ainsi un passage aux danseurs qui viendront s’affairer pendant la célèbre et exaltante bacchanale.
La direction musicale de Sir Mark Elder à la tête de l’Orchestre du Metropolitan Opera semble (au moins dans le mixage sonore de cette captation) parfois couvrir les voix des chanteurs. Si l’orchestre est impeccable, certains passages manquent de nuances et la finesse de la partition ne ressort pas de manière égale. Mais cela s’accorde certes avec ce choix de mise en scène à grand spectacle.
Dès sa première intervention, Roberto Alagna incarne un Samson solide, appelant ses compagnons à la révolte. Il offre un excellent premier acte grâce à une voix puissante, des aigus faciles et vibrants. Le deuxième le trouve un peu moins à l’aise et le contre-si bémol venant achever le célèbre et magnifique duo d’amour « Mon cœur s’ouvre à ta voix » passe, même s’il est un peu forcé. L’acte gagne en intensité sur sa fin et le ténor retrouve des couleurs plus dramatiques dans la dernière partie de l’œuvre et finit par détruire le temple philistin dans un ultime aigu triomphant.
Elīna Garanča possède à la fois une voix et une plastique idéales pour incarner Dalila. Elle montre ainsi toutes les facettes de son personnage avec facilité, de la séductrice à l’amante malheureuse en passant par la traîtresse. C’est notamment grâce à son registre aigu et sa longueur de souffle qu’elle incarne une Dalila piquante et charismatique, car les graves sont malheureusement moins présents.
Pour achever le trio des protagonistes, Laurent Naouri est l’interprète du Grand Prêtre de Dagon. Le baryton français est convaincant dans le rôle, même s'il ne parvient pas à communiquer toute la noirceur du personnage. La faute peut-être à un timbre un peu trop clair, en tout cas parfaitement supporté par une diction irréprochable.
Les seconds rôles sont globalement homogènes en qualité, à commencer par le Vieillard hébreu de Dmitry Belosselskiy, incarnation relativement sobre, voix bien timbrée mais aux graves peu sonores et très vibrés. Abimélech est chanté par Elchin Azizov, qui livre une courte mais belle intervention. Le Chœur du Metropolitan Opera propose une admirable prestation dans un français très intelligible et fait la part belle aux très beaux ensembles vocaux de la partition.