Retour à Baden-Baden sur grand écran pour La Flûte enchantée
Cette production de La Flûte Enchantée retrouve son écrin d’origine, le Palais des Festivals de Baden-Baden. Le spectacle prône avec élégance les valeurs de fraternité et d’humanité, dans un décor épuré où la musique de Mozart prend tout son sens : pas de décor maçonnique, de références appuyées aux symboles, qu’ils soient solaires ou lunaires, de couleurs foisonnantes. Le parti pris est une réflexion sur la vie et la mort. Les protagonistes évoluent dans un environnement fait d’herbe et de tombes, la fosse d’orchestre en étant une elle-même, entourée par un praticable faisant office de transition entre la scène et la salle, d’où les chanteurs arrivent parfois. C’est aussi le lieu du rassemblement, comme au début de la représentation, quand des figurants/spectateurs viennent s’asseoir un à un autour de l’orchestre pour écouter attentivement l’ouverture de l’œuvre.
Moment plein de poésie sublimé par la direction admirable de Sir Simon Rattle à la tête du Berliner Philarmoniker qui offre des tempi variés, de riches nuances, et quelques fantaisies bienvenues (légères variations à la fin de certains trios, un peu de glockenspiel dans la cadence finale de l’opéra).
L’utilisation intelligente de la vidéo offre à la dimension magique de l’œuvre un réel support, comme quand Tamino découvre le visage de Pamina projeté sur tout le fond de scène, ou quand lui sont dévoilées les portes de la Raison, de la Sagesse et de la Nature dans un habile jeu de transparence.
Le prince Tamino, interprété par Pavol Breslik est d’une grande justesse, proposant la maturité et l’élégance qui font parfois défaut à d’autres interprètes du rôle. Dès son premier air, il déploie un très beau timbre, appuyé par une grande musicalité. À ses côtés, Michael Nagy incarne un Papageno vadrouilleur et très attachant. Sa voix très adaptée au rôle lui permet de réellement développer son jeu d’acteur. Accompagné de son mélodica (accessoire malheureusement délaissé au profit de la traditionnelle flûte de pan dans les récentes reprises de la production), il en joue avec malice lors de ses interventions.
Kate Royal est quant à elle une Pamina subtile dans le jeu comme dans le chant. Aussi à l’aise seule que dans les ensembles, son air du deuxième acte, bien que pris sur un tempo rapide parvient à émouvoir. Sa mère, la Reine de la Nuit, trouve en Ana Durlovski une incarnation pleine de charisme et de séduction froide. Associée à Sarastro et complice de l’initiation du jeune couple Tamino/Pamina dans cette mise en scène, elle parvient à jouer sur l’ambiguïté ainsi créée de son personnage. Très attendue dans ses deux airs, elle remplit parfaitement son contrat, délivrant des aigus faciles, contrastant avec la couleur assez sombre que prend sa voix au tout début de sa première intervention.
Le paternel Sarastro de Dimitry Ivashchenko, cantonné à une présence assez statique, ne déçoit pas et délivre de très beaux moments dans les plus graves échelons de sa tessiture. À chacune de leurs interventions, les trois dames de prestige qu’offre cette distribution font mouche. Rien de moins qu’Annick Massis, Magdalena Kožená et Nathalie Stutzmann pour interpréter les dames d’honneur de la Reine de la Nuit. Les trois voix, bien que très différentes, se fondent parfaitement et les trois chanteuses semblent beaucoup s’amuser.
Autre invité de marque, José van Dam fait une apparition dans le rôle de l’Orateur accueillant Tamino à la porte du temple de la Nature. Si le Monostatos de James Elliott manque de présence vocale, il reste convaincant scéniquement. Regula Mühlemann en Papagena allie quant à elle ces deux qualités et son unique duo avec Michael Nagy est très réussi.