Patricia Petibon rend hommage à Didier Lockwood sur La Seine Musicale
Patricia Petibon remplit l’Auditorium de La Seine Musicale de sa présence, sa voix si agile aux couleurs fruitées et de son sens de l’humour. Elle propose un récital, classique mais à la sauce Petibon, tenant son public en haleine pendant une heure cinquante, alternant des pièces instrumentales et vocales, jouant sur les styles si différents que sont l’opéra, le cabaret, la chanson pop, la bossa-nova, les musiques orientales ou encore l’impro jazz en scat. Pour réussir ce pari formidable, elle réunit pour l’occasion, des musiciens de grand talent autour d'une connivence palpable.
Formée au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris et au Centre des Musiques de Didier Lockwood, Fiona Monbet, qui excelle aussi bien en classique qu’en jazz et improvisation, navigue entre ses deux instruments : un violon classique et un violon électronique avec des pédales d’effet qui lui offrent une sonorité de contrebasse (avec un son hélas trop amplifié, ce qui vaut également pour les microphones d'ambiance).
Deux pianistes (Susan Manoff et Dimitri Naïditch) se partagent le clavier en alternance et à quatre mains. Dimitri Naïditch, pianiste classique d’exception, et authentique musicien de jazz depuis une trentaine d’années, éblouit par l’aisance de ses improvisations et sa capacité à offrir des arrangements aussi bien sur la musique de Mozart, Puccini que Poulenc. Il excelle dans l’improvisation et la virtuosité pianistique, n’hésitant pas à jouer des rythmes ou des notes à l’intérieur même du piano. Susan Manoff, cheffe de chœur adjointe à l’Opéra de Paris et professeure au CNSM, est une grande habituée des mélanges théâtre et musique. Elle a travaillé avec Fabrice Luchini, Jean Rochefort et Marie-Christine Barrault. Grande concertiste également, elle soutient merveilleusement la chanteuse dans ses interprétations.
Surprenante, Patricia Petibon se promène avec une facilité déconcertante à travers les styles, revisitant complètement les pièces musicales. De l’air d’opéra à la mélodie française en passant par la pop, le jazz, le cabaret, la mélodie contemporaine, la chanteuse traverse de nombreux univers musicaux. Son interprétation de l’air de Barberine de Mozart, "L’ho perduta" plonge vers un scat endiablé ! Une belle version de Puccini, "O mio babbino Caro" (merveille extraite de Gianni Schicchi) débarque au beau milieu du carnaval de Rio avec une formidable imitation vocale de la cuica (instrument traditionnel brésilien). La Reine de cœur de Francis Poulenc est complètement revisitée façon « musique orientale » avec une percussion traditionnelle et des séquences d’improvisation. L’interprétation vocale sculpte chaque son dans une pureté et une grande finesse stylistique. Les berceaux de Gabriel Fauré également revisités sont particulièrement touchants, osant des décalages rythmiques et des ornementations dignes d’une ballade de jazz. Entre ces compositeurs classiques, le programme permet d'apprécier deux pièces de Nicolas Bacri, ainsi qu'une pièce de Francisco Mignone où la soprano déploie une palette sonore très intense et variée, sa voix s’adaptant merveilleusement à tous les styles. Tous les registres (de la poitrine à la tête) sont mobilisés, avec une grande facilité et notamment sur Padam, padam de Norbert Glanzberg (immortalisé par Édith Piaf).
Clou du spectacle, Patricia Petibon profite de la Marche grotesque de Dimitri Naïditch pour présenter les musiciens façon "set de jazz" sur de petites allusions cinématographiques (notamment les thèmes de James Bond et Stars Wars). Elle ne rate pas l’occasion de se présenter ainsi : « Mon nom est Bond... Patricia Petibon ! »
La scénographie est dépouillée mais efficace : quelques ambiances colorées, quelques accessoires, notamment ces petites étoiles accrochées aux doigts de la chanteuse présentes au début et à la fin du récital : comme des étoiles dans le ciel figurant nos êtres chers partis pour d’autres horizons. À ce titre, une grande émotion se dégage de l’avant-dernier morceau, une chanson que « Didier » avait écrite pour elle avec des paroles en anglais qu’elle a ajoutées elle-même.
Ne pouvant laisser le public sur cette note très nostalgique, « Patricia » part sur une farce en parodiant Blanche-Neige et les Sept Nains avec Someday My Prince Will Come.