Académie Jaroussky : un Gala de fin d'année referme la première saison
Au programme de ce concert : 26 jeunes talents (jeunes adultes en quête de professionnalisation) et quatre célèbres maîtres dans quatre disciplines (Philippe Jaroussky pour le chant, Geneviève Laurenceau en violon, Christian-Pierre La Marca au violoncelle et le pianiste David Kadouch), 24 Jeunes Apprentis (entre 7 et 12 ans) avec deux enseignants par discipline (piano, violon et violoncelle, le chant étant déjà proposé par la Maîtrise des Hauts-de-Seine également en résidence à La Seine Musicale), à l'affiche pour 25 airs, mouvements de concertos et d'œuvres chambristes. L'auditoire arrivé à 19h30 en ressortira (juste) à temps pour prendre les derniers métros, la tête et les oreilles emplies de musique et d'espoir pour ces musiciens en devenir.
Pour animer la soirée et proposer des transitions plus légères entre les morceaux, Philippe Jaroussky prend part à des sketchs en duo avec son invité François Morel. Celui-ci chante également dans un même esprit de légèreté, empruntant ses bons mots à Raymond Devos, ses autres plaisanteries assumant leur candeur surannée. Ces quelques sketchs ponctuent un programme fleuve, mettant en scène des dizaines d’interprètes (mettre ses élèves sous les feux d'une belle rampe est l'un des atouts de cette Académie). Le répertoire va de Chostakovitch à Mozart, les élèves ont l'application et le crin-crin d'enfants de 7 ans ou bien déjà un jeu pré-professionnel.
En interprétant la mélodie Au cimetière de Fauré, le contre-ténor Evann Loget-Raymond suit les pas, la prononciation et la belle conduite du vibrato de Philippe Jaroussky, qui avait surpris en enregistrant des mélodies françaises, un répertoire XIXe siècle bien loin des rôles de castrats : Jaroussky qui donne à nouveau l'exemple en interprétant ce soir À Chloris de Reynaldo Hahn, avant de revenir chanter au fil de la soirée (réjouissant un public d'admirateurs et contribuant ainsi par sa présence, à rassurer et encourager ses élèves). L'autre contre-ténor impétrant, William Shelton, ramène à la tradition baroque allemande avec "Erbarme dich" (Passion selon Saint Matthieu de Bach). Très feutré, posé sur le médium-aigu et un bon souffle, dans un placement tournant lentement, le chant se fond dans l'orchestre (les instrumentistes de l'Académie accompagnent leurs camarades sur les mélodies, l’Ensemble Appassionato dirigé par Mathieu Herzog soutient les grands ensembles).
Autre mélodie, autre tessiture avec L'Invitation au voyage de Duparc par la voix ronde et travaillée (davantage que naturelle pour l'instant) de Louis De Lavignère, baryton. Nous avions ainsi rendu compte de master-classes données in loco par Philippe Jaroussky dans lesquelles le contre-ténor montrait son appétence et ses qualités pour enseigner à toutes les tessitures, non pas seulement les contre-ténors, ni les hommes.
Après de nouvelles pastilles humoristiques et de remarquables prestations instrumentales, vient la révélation de la soirée : l'une de ces voix qui offre à la fois à l'auditoire le plaisir d'une découverte rare et l'étonnement de ne pas l'avoir déjà entendue au concert, la soprano Anara Khassenova (vous pouvez d'ores-et-déjà l'ajouter à vos favoris pour suivre l'évolution de sa carrière) : retenez le nom d'Anara Khassenova comme le public de La Seine Musicale retiendra cette voix vibrée et fluide, portée sur des pommettes souriantes et l'acuité d'une tension-détente, le tout parachevé avec un regard doux mais embrasé (comparaison n'est pas raison, mais elle rappelle furieusement Barbara Hannigan).
"Vorrei spiegarvi, oh Dio !" offre alors une transition pertinente vers l'opéra : il s'agit en effet d'un air pour soprano et orchestre de Mozart, mais qu'il a écrit pour la soprano allemande Aloysia Weber dans l'opéra d'un autre : Il curioso indiscreto de Pasquale Anfossi. Manon Lamaison a l'occasion d'y montrer la sphère de son médium et sa projection à la fois retenue et contrôlée, mais hélas peu d'autres choses tant cet air est difficile ! Ce sera d'ailleurs le défaut majeur de la soirée, plusieurs artistes choisissant des airs bien trop complexes et bien trop exigeants (Julie-Anne Moutongo-Black abordant Carmen). La voie de l'opéra continue toutefois avec l'intense récitatif-aria sur "Dove sono i bei momenti", air de la Comtesse des Noces de Figaro, interprété par Clarisse Dalles. Sa voix ralentit, vibre plus largement, joue de ses résonances avec toutefois un certain piquant (mais une baisse d'endurance).
Le programme se poursuit et se conclut par Mozart, la Maîtrise des Hauts-de-Seine interprétant l'Ave Verum puis accompagnant Jaroussky dans le Laudate Dominum, extrait des Vêpres solennelles. Le public resté nombreux congratule chaleureusement les interprètes, et souhaite une belle carrière à la Promotion Mozart !