Enseigner l’opéra / enseigner par l’opéra : ça marche !
À l’origine, il y a chez Claire Leroy une sensibilité certaine pour les lettres, l’art et la musique, ce qui est bien normal pour une future professeure de lettres. Lauréate du Capes, elle entre à l’ESPE (École Supérieure du Professorat et de l’Éducation) de Paris, où elle suit entre autres un séminaire de master intitulé « Mythes et opéras ». Le formateur y démontre par l'exemple qu’il est possible (et souhaitable) d’initier les élèves à des formes d’art a priori fort éloignées de leur quotidien.
Claire Leroy décide de tenter l’expérience et débute un travail autour du mythe d’Orphée avec ses élèves de sixième du collège Citroën, à Paris. Elle commence par un sondage dont la conclusion est sans appel : 80% de ses élèves se disent peu intéressés par un projet autour de l’opéra. Qu'importe, elle leur fait découvrir des pages de Gluck et d’Offenbach et les initie aux différents types de voix. Dès la seconde séance, les élèves en sont à comparer les interprétations de l’air de Cavaradossi dans Tosca par Placido Domingo ou Luciano Pavarotti ! Les premiers résultats se font sentir dès Noël : un élève se fait offrir des CD d’opéras, un autre un billet de spectacle.
Dès lors, Claire Leroy doit canaliser l’enthousiasme de ses élèves qui, émerveillés, visitent le palais Garnier et assistent à un récital de chant. Ils se montrent de plus en plus captivés et attendent toute la semaine LE moment où ils auront « opéra ». La venue de Tarek Madjid Mohia, un jeune ténor souriant et pédagogue venu gracieusement parler de son art et devenu l'idole de la classe, incite les enfants à essayer de « chanter comme à l’opéra ».
Devant un tel succès, Claire Leroy propose à ses élèves d’écrire et de composer leur propre opéra, à partir d’un mythe non encore mis en musique par un compositeur. Les élèves tranchent en faveur du mythe d’Atalante, jeune (et sportive !) héroïne grecque qui battait tous ses prétendants à la course jusqu’à ce qu’Hippomène (avec la complicité d’Aphrodite) parvienne à la vaincre et gagne ainsi sa main.
Venue la fin de l'année, les élèves ont fini la rédaction de leur livret, mais souhaitent à présent monter leur opéra, ce qui n'était pas prévu. La classe est alors divisée en plusieurs groupes : l’un travaille le chant avec le professeur de musique et Tarek Madjid Mohia (quel honneur pour ces élèves d’entendre leurs textes et leur musique interprétés par la voix lyrique de leur ténor préféré !).
Un autre groupe travaille les costumes.
Bien sûr, les décors font également l'objet d'un atelier.
Enfin, des élèvent travaillent à la mise en scène et aux didascalies.
Cette belle histoire montre que les enfants sont naturellement sensibles aux formes d’art exigeantes : initiés tôt, ils sont moins imprégnés d'a priori et se laissent plus facilement toucher par l'oeuvre. Tous les élèves de cette classe ne resteront peut-être pas passionnés par l’art lyrique, mais ils sauront que cet art existe et qu'il est abordable. Ils manifesteront plus facilement ensuite de la curiosité et une ouverture d’esprit vis-à-vis de l’art en général.
L'opéra, art pluriel par excellence, peut et doit être enseigné, pour lui-même, mais aussi parce qu'il est un formidable outil pédagogique autorisant de nombreuses ramifications avec d'autres disciplines. Dans cet exemple : musique, découverte des légendes de l’antiquité, production d'écrit, travaux manuels, expression corporelle, et surtout, comme à l'opéra, travail en équipe. C'est aussi une véritable formation citoyenne qui ouvre à l'"autre" (autres époques, autres arts, autres cultures...) et éveille la curiosité : deux qualités plus que jamais indispensables !