L’instant lyrique de Florian Sempey : une étoile de plus au dôme de l’Éléphant Paname !
Comme d’habitude à l’Éléphant Paname, le piano est tenu par Antoine Palloc qui accompagne Florian Sempey avec toute sa finesse et sa musicalité. Deux pages solo permettent au pianiste de mettre en valeur son talent : les amusantes Gammes ; des montées et des décentes [sic] de Rossini (dans lesquelles on entend des réminiscences de J’ai du bon tabac et de Malbrough s’en va-t-en guerre), et surtout l’adagio de la Sonate K 332, délicatement ciselé.
Le programme incombant au chanteur est excellemment construit : peu d’airs vraiment célèbres, mais des pages permettant toutes au jeune baryton de faire valoir ses qualités de chanteur et d’interprète. La première partie, consacrée à Mozart, est suivie d’un air d’Acide e Galatea de Haydn, page très virtuose ménageant de ce fait une habile transition vers le bel canto rossinien. Ainsi, aux côtés de l’air du Comte des Noces de Figaro ou de l’air de Figaro du Barbier, véritable cheval de bataille de Florian Sempey, découvre-t-on ou redécouvre-t-on avec plaisir plusieurs pages plus rarement entendues. Le « Rivolgete a lui lo guardo » (« Tournez vers lui votre regard ») de Mozart (première version du plus célèbre « Non siate ritrosi » / « N’hésitez pas… ») que chante Guglielmo dans Cosi, le « Con un vezzo all’italiana » / « Selon une habitude italienne » de Nardo dans La fausse Jardinière ou l’air d’Isodoro (« Intanto Armenia… » / « Entre-temps Arménia ») dans la Matilde di Shabran de Rossini présentent le double avantage d’être très séduisants tout en sortant agréablement des sentiers battus.
La voix de Florian Sempey offre une qualité égale sur toute la tessiture : elle rugit comme un torrent, susurre délicatement ou déploie son velours doux et satiné avec la même aisance. À l’origine, il y a à coup sûr un don très rare : celui d’une voix naturellement belle, saine et puissante. Mais que de travail il a de toute évidence fallu pour parvenir à ce résultat : un contrôle du souffle parfait, des vocalises exceptionnellement précises, une palette de nuances qui semble infinie, une articulation exemplaire. Le baryton aligne trilles, pianissimi (magnifique reprise de l’air de Germano dans L’Échelle de soie) crescendi, diminuendi, triolets (dans les derniers « della cita » de l’air de Figaro), sauts de registres, et escalade les aigus de Figaro comme s’il s’agissait d’une promenade de santé. Pour autant, le public n’a jamais l’impression d’assister à une série d’exploits : la technique est à ce point maîtrisée que tout semble couler de source, et un sens de l’interprétation vient donner à ces pages tout le dramatisme et les émotions qu’elles requièrent.
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Florian Sempey est très à l’aise dans le registre comique (il triomphe régulièrement en Figaro, et interprète actuellement Malatesta dans Don Pasquale au Palais Garnier). En Comte des Noces, où on ne l’attendait pas forcément dans ce rôle, il se montre blessé, mais aussi plein de morgue, de cynisme, semblant maîtriser à grand peine une colère sourde qui se fait jour malgré tout sporadiquement. Son éclat de fureur final libère des vocalises d’une netteté incroyable qui sonnent comme autant d’éclats de rires menaçants.
Trois bis viennent démontrer l’incroyable diversité du talent de Florian Sempey : La Chanson du bébé de Rossini, dans laquelle le chanteur aligne les « Maman, papa, pipi, caca » avec classe… et humour ! S'y ajoutent Paysage de Reynaldo Hahn, et l’air du Génie d’Aladdin de Disney ! Contre toute attente, c’est l’un des moments forts de la soirée : avec une gouaille, une présence, une aisance, un sens du rythme et du swing, ainsi que son sens de l’humour (et qui sonnent comme autant d’hommages à Robin Williams, le créateur de la chanson), Florian Sempey déchaîne les applaudissements.
Le chanteur établit au fil de la soirée une complicité avec l’auditoire sans jamais verser dans le cabotinage. À coup sûr, Florian Sempey, récemment engagé à Pesaro, à l’Opéra de Rome, au Covent Garden de Londres, programmé l’an prochain à Garnier et Bastille ou à la Deutsche Oper de Berlin, fait partie dorénavant des grands artistes lyriques internationaux ! Quelle magnifique voix pour Verdi dans quelques années… Patientons !
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