Réjouissante et tendre Cenerentola au Théâtre des Champs-Élysées
Les soirées placées sous le signe du divertissement intelligent ne sont pas si nombreuses ! Les fréquents rires et les vifs applaudissements des spectateurs présents au Théâtre des Champs-Élysées récompensent ainsi justement une Cenerentola pleine de saveur et fort brillante au plan musical.
Comme souvent pour les ouvrages présentés par Enrique Mazzola (fraîchement naturalisé français) avec son Orchestre National d’Ile-de-France, une mise en espace de l’action est opérée. Vive et alerte, cette version semi-scénique, sans occulter l’émotion et la tendresse, laisse une large part à l’interprète pour s’exprimer au-delà de sa prestation vocale. Tous jouent parfaitement le jeu en associant même à leurs élucubrations, le chef d’orchestre lui-même, fort consentant d’ailleurs et acteur savoureux, le claveciniste qui se fait chiper son tabouret par les « adorables sœurs » d’Angelina et continue sa partie debout, les musiciens de l’orchestre lorsque Don Ramiro par exemple se dissimule derrière une contrebasse pour épier Dandini et Don Magnifico ! Sans basculer dans la farce, ce qui serait excessif, cette approche réussie fait résonner au meilleur la partition de Rossini.
[#Interview] Cérémonie d'accueil dans la nationalité française de @prefpolice au Panthéon : @EnriqueMazzola directeur musical et chef principal @ONDIF a reçu ce jour des mains de Michel Delpuech, préfet de Police, son décret de naturalisation française. https://t.co/UFXtzBtOJB pic.twitter.com/gUsCfEPVsI
— Préfecture de police (@prefpolice) 14 juin 2018
La direction musicale d’Enrique Mazzola s’avère un réel moment de grâce. Fine et délicate, elle aère l’ensemble lui conférant une juste dimension esthétique qui privilégie les voix et la virtuosité ici fondamentale. Et quelle précision, quelle harmonie pour les chœurs de l’Ensemble Aedes de Mathieu Romano, décidément en progrès constants.
Le rôle d’Angelina dite Cenerentola ne connaît plus de secrets pour Karine Deshayes. Son portrait de jeune fille opprimée et rêveuse comble d’aise. Vocalement, elle déploie des moyens importants, plus soprano que mezzo colorature tout de même. Si le bas de la voix paraît peu sonore en soi et si elle a recours à certains graves de poitrine pour appuyer ses effets, elle assume sa partie en parfaite et délicieuse musicienne, concluant par le fameux Nacqui all'affano enlevé avec maestria et un art consommé de la colorature.
Après sa prise de rôle à l’Opéra de Lyon il y a quelques mois, Cyrille Dubois apparaît comme un poisson dans l’eau dans le rôle virtuose de Don Ramiro. S’apparentant au ténor di grazia, d’une belle aisance scénique, toujours tonique, il triomphe dans son air du deuxième acte avec une élégance vocale constante, un art du phrasé qu’il ne cesse d’améliorer, une facilité dans les aigus et suraigus qui ne peut que réjouir l’auditeur : rien de froid ou de démonstratif, mais une interprétation complète qui allie à même hauteur les parties vocales et théâtrales. Enfin un Dandini qui sait parfaitement vocaliser : le baryton italien Vito Priante le démontre avec agilité et une totale maîtrise de l’instrument : voix d’une belle gravité, imposante et légère à la fois, basée sur l’expressivité et le naturel, qualités que son jeu de scène vient encore renforcer.
Peter Kálmán déploie en Don Magnifico une verve comique peu commune, imposant une présence massive ou alerte selon la situation. Son air du deuxième acte avec son recours à la voix de fausset et à toutes les charges de la basse-bouffe, emporte tout sur son passage. Moins abouti au plan vocal peut-être, mais fort convaincant en philosophe et précepteur empli de bons sentiments, Luigi de Donato donne un vrai relief au rôle d’Alidoro. Les méchantes sœurs sont incarnées avec verve et une certaine élégance par Hasmik Torosyan (Clorinda), dont l’air du deuxième acte fort bien chanté d’ailleurs est ici rétabli et Alix Le Saux (Thisbé) : elles forment un duo équilibré et de bon aloi. Ce concert démontre que le chant orné dispose actuellement de brillants interprètes et qu’ainsi, la musique de Rossini conserve toute sa fraîcheur et son actualité.
Formidable et pétillante Cenerentola ! @TCEOPERA @ONDIF @EnriqueMazzola #KarineDeshayes -> à écouter sur @francemusique le 15 juillet!