Gounod méconnu se dévoile en gala à Radio France
C'est avec un programme très intelligent et qui sort des airs battus et rebattus que l’Orchestre national de France rend hommage à Charles Gounod. Tout en offrant un large panorama des grandes œuvres lyriques du compositeur, dont certaines très peu connues du grand public (qui bien souvent ne connaît que Faust, Roméo et Juliette, et Mireille, parfois), ce programme ne contient aucun des “tubes” que l’on entend toujours quand on parle de Gounod.
De Roméo et Juliette, c'est la grande scène du breuvage qu’interprète en ouverture la soprano Elsa Dreisig. Si sa Juliette est un peu mièvre, ses qualités vocales et musicales réjouissent. Ses aigus sont aisés et agréables, sa sensibilité musicale évidente. En revanche, la chanteuse franco-danoise fait le choix de ne pas rouler les "r", ce qui est peu esthétique à l’oreille, et fait surtout perdre beaucoup en compréhension du texte. Elle se risque en revanche à de très beaux pianissimi, que l’orchestre ne suit pas toujours.
C'est alors au tour de la mezzo américaine Kate Aldrich d'interpréter un air extrait de Sapho, “Ô ma lyre immortelle”. Si le texte est difficilement compréhensible, elle incarne malgré tout le personnage avec beaucoup d'intensité. Mais l’orchestre, sous la baguette de Jesko Sirvend, ne s’adapte pas aux difficultés vocales des chanteurs, et joue décidément trop fort, ce qui la perd complètement dans les graves. Puis vient un interlude orchestral avec un ballet extrait de Faust, dans lequel le National se donne avec générosité, mais quelques décalages rythmiques. Patrick Bolleire donne ensuite une très belle incarnation de Soliman, dans un extrait de La Reine de Saba, avant d’être rejoint par Jodie Devos, Kate Aldrich et Josep Kang pour un quatuor extrait de Tobie. Malheureusement, les grandes absentes de cette soirée sont les consonnes des chanteurs, et le texte en est souvent perdu.
Avant l’entracte, la soprano Jodie Devos offre un très joli air extrait de Philémon et Baucis, dans lequel elle peut faire étalage de sa grande aisance technique. Avec une voix très timbrée mais parfois un peu serrée, la chanteuse belge charme son auditoire sans effort, parfaitement à son aise face à toutes les difficultés vocales.
La deuxième partie du concert s'ouvre avec une improvisation à l'orgue sur des thèmes de Gounod, par Olivier Latry, qui se sert brillamment des possibilités acoustiques de l'instrument. Vient enfin le tour du ténor coréen Yosep Kang, dans une excellente interprétation d’un air de Cinq-Mars. C'est finalement lui qui a la diction la plus efficace, et on comprend enfin chaque mot du texte. Jodie Devos revient ensuite avec un air de Mireille, dont le chant est complètement libéré. Kate Aldrich la rejoint pour un duo du même opéra, malheureusement marqué par les premiers signes de fatigue de Jodie Devos. Pour clore le concert, Elsa Dreisig remplace Jodie Devos dans un quatuor extrait de l’oratorio Mors et Vita.
Le concert se termine avec un bis orchestral enlevé, brillamment interprété !