Macbeth referme la saison de Liège
Pour cette nouvelle production du Macbeth de Giuseppe Verdi, le choix de Stefano Mazzonis di Pralafera, Directeur de la maison et metteur en scène du spectacle, ainsi que de Paolo Arrivabeni, Directeur musical, en accord avec Leo Nucci interprète du rôle-titre, s’est porté sur la version parisienne de l’ouvrage de 1865, en incluant toutefois la scène finale de la création de 1847 comportant le fameux arioso du baryton Mal per me. Même si Verdi avait lui-même refondé entièrement cette partie du 4ème acte dans sa version révisée, ce choix peut s’expliquer du fait de la présence de Leo Nucci qui termine ainsi seul l’opéra. Ce dernier a enregistré le rôle en 1987 sous la baguette de Riccardo Chailly au côté de l’incandescente Lady Macbeth de Shirley Verrett (un film de Claude d’Anna en conserve le précieux souvenir), avant même de l’incarner à la scène. Alors à l’apogée de ses moyens vocaux et dramatiques, le baryton italien déployait une force de persuasion remarquable comme décuplée par la présence de son extraordinaire partenaire. À Liège, l’artiste force le respect par l’intensité expressive de son interprétation, par cette voix de vrai baryton-Verdi qui a su conserver une franche tonicité à défaut de toute son amplitude d’antan. Mais le timbre accuse désormais une certaine fatigue comme durant le troisième acte où la voix soudain se dérobe, les couleurs s’estompent, le souffle se fait plus court. L’artiste reste grand cependant et le public liégeois lui réserve un accueil tout empli d’amour.
Face à lui, Tatiana Serjan dispose en Lady Macbeth de moyens vocaux fort imposants sinon impressionnants. Le rôle ne lui fait certes pas peur et elle l’aborde avec une santé vocale qui ne concède aucune défaillance : le médium est plein et charnu, le grave bien assis. L’aigu seul paraît un rien agressif. Sa scène d’entrée, "Ambizioso spirto", dont la lecture préalable de la lettre de Macbeth est étrangement confiée en voix off au baryton, cloue sur place et la cabalette est enlevée avec une dextérité certaine. Son chant pourtant se fait plus modulé, plus expressif, lors de la grande scène de somnambulisme "Una macchia…é qui tuttora !" qu’elle conclut avec le contre mi bémol attendu quoique écourté. Sa présence scénique est indéniable, son incarnation pleinement aboutie. Le Banco de Giacomo Prestia est simplement magnifique et sonore : voix de basse dite de bronze, au grain profond, mordoré. Gabriele Mangione chante avec conviction et une ligne soignée le rôle bien bref et pourtant central de Macduff. Mais sa voix de ténor manque d’éclat et de singularité pour rendre pleinement justice à son bel air, O figli, o figli miei. Da quel tiranno. Les autres interprètes Papuna Tchuradze (Malcolm), Roger Joakim (Il Medico) et Alexise Yerna (Dama) remplissent bien leur office.
La direction musicale de Paolo Arrivabeni se veut pleine de fièvre, un rien bruyante cependant, mais nette et précise dans sa réalisation d’ensemble. À noter en ce soir de première, plusieurs décalages avec les chœurs de sorcières. La mise en scène de Stefano Mazzonis di Pralafera ne cherche pas l’innovation sinon au niveau de l’idée de base : un vaste jeu d’échecs où chacun cherche à écraser l’autre. Un grand miroir reflète l’action et cette partie, sans réellement convaincre. Les costumes particulièrement lourds et épais embarrassent plutôt que facilitent la compréhension du propos. Certaines images laissent un peu dubitatifs comme ces sorcières cornues et barbues qui ne cessent de déployer leur voile avec volupté sans aucunement faire peur ou cette avancée de la forêt de Birnam où les protagonistes agitent en tous sens une branche d’arbre. Par contre la chorégraphie signée par les bons soins de Rachael Mossom, évoque avec technicité et acuité, les forces du mal. Cette série de représentations de Macbeth a été dédiée par l’Opéra Royal de Liège Wallonie aux victimes de l’attentat du 29 mai 2018 qui a fortement endeuillé la ville.