La Cathédrale de Metz achève sa saison chorale en beauté
La viole de gambe ambrée de Jean-Daniel Haro, réplique d’une viole de Barbey, et le petit orgue de Vincent Bernhardt accompagnent, sous la direction de Gabriel Baltes, l’Ensemble Métamorphoses pour un dernier concert choral en la Cathédrale consacré à Bach père et fils et au bien moins connu František Tůma, compositeur tchèque presque contemporain de Bach.
Influencé par ses études au prestigieux Clementinum jésuite de Prague, maître de chapelle de la veuve de Charles VI, il compose de nombreuses pièces de musique sacrée, dont un Stabat Mater pour chœur et continuo. Divisé en onze sections, ce Stabat Mater met en exergue l’art du contrepoint, dans lequel l’Ensemble Métamorphoses excelle. Le recueillement est d’abord de rigueur, et basses comme sopranos conservent la même diction précise. La projection des voix est démultipliée, réfraction vocale dont le point d’orgue est la tenue des basses, soutenues par l’acoustique de la Cathédrale.
Le Pro peccati suae gentis (Pour toutes les fautes humaines) voit le contrepoint originel des aigus vers les graves prendre la direction opposée, en un rythme plus rapide. Le chœur s’emballe sans perdre de sa technicité. Eja mater, fons amoris (Ô mère, source de tendresse) fait sens par un timbre plus joyeux, plus enveloppant, presque réconfortant.
Pour le Sancta Mater, istud agas (Mère sainte, daigne imprimer [les plaies de Jésus crucifié]), douceur et amplitude successives ressortent par la grâce des voix qui se calquent sur les successions de nuances piano et forte de l’orgue et de la viole. Le dernier « Amen » du Fac ut anime donetur (À mon âme, fais obtenir [la gloire du paradis]) est à la fois gracieux et solennel, prolongé par la hauteur de la nef.
Place alors au maître entre tous : des trois orgues de la Cathédrale, celui du transept est utilisé pour trois pièces de Jean-Sébastien Bach (1685-1750), Fantaisie et fugue en sol mineur, An Wasserflüssen Babylon (À Babylone, au bord des eaux) et puisqu’il est impossible de ne pas associer l’orgue aux célébrissimes Toccatas, celle en sol majeur.
Toutes trois exécutées avec une extrême fluidité par Vincent Bernhardt, elles laissent l’esprit du public vagabonder et l’œil se perdre dans les dentelles de marbre et les vitraux, avant le retour du chœur et des instrumentistes pour un Motet composé par Johann Christoph Friedrich Bach (1732-1795), son seizième enfant, l'avant-dernier compositeur.
Au même titre mais moins célèbre que celle du père, Wachet auf, ruft uns die Stimme (Réveillez-vous, nous appelle la voix) reprend l’art du contrepoint. Il est ici ponctué d’élégants trilles des sopranos, dont le passage des graves aux aigus sur les deux syllabes de « Stimme » s’effectue en douceur et sans difficulté. Ces mêmes trilles harmonieux se prolongent sur Zion hört die Wächter singen (Sion entend chanter les veilleurs). Le « Hosianna » final du choral est flûté, avant un joyeux « Wir folgen mal/Zum Freudensaal » (Nous suivons tous/Jusqu’à la salle de joie [Et partageons le repas du soir] à l’unisson parfait.
Même précision de la diction et force des timbres pour le Gloria, avant que Gabriel Baltes ne propose, « bien que ce ne soit pas l’heure », de réveiller à nouveau le public pour un « Wachet auf, ruft uns die Stimme » à nouveau triomphal. La saison chorale de la Cathédrale s’achève donc en beauté, avant plusieurs concerts d’orgue qui prolongeront la saison culturelle les dimanches d’été.