Devieilhe, Desandre et Haïm unies par les Cantates italiennes au TCE
Trois cantates ainsi qu'une sonate instrumentale sont au programme. La première Cantate, Armida abbandonata (« Dietro l'orme fugaci ») par Sabine Devieilhe ouvre le concert en 15 minutes. La chanteuse récemment couronnée aux Victoires de la Musique Classique possède une voix de soprano léger avec des sons aigus très faciles, vibrants et une couleur argentée (rappelant Kathleen Battle). Souvent, les voix légères peuvent manquer de couleur dans le medium mais au contraire pour Madame Devieilhe, sa voix centrale reste bien solide et présente dans la grande salle élyséenne (elle possède même une voix de poitrine qui résonne facilement dans le registre le plus grave). Sa facilité et sa justesse pour les notes rapides de coloratura respectent toujours le bon goût et le style musical de Haendel.
La deuxième cantate, « O Numi Eterni » de Lucrezia (12 minutes) est interprétée par Lea Desandre (révélée aux Victoires de la Musique Classique, l'année dernière, qui remplace Marianne Crebassa initialement prévue). La mezzo-soprano se tient éloignée du registre de contralto (que pouvait entreprendre Marilyn Horne ou Janet Baker), se rapprochant d'une soprano II, comme une jeune Susan Graham ou Anne Sophie Von Otter. Sa facilité dans les notes medium et aiguës lui permet des moments très riches, sans efforts, idem pour les vocalises rapides ainsi que son phrasé long. Elle manque toutefois un peu de couleur tragique dans l’interprétation.
Les deux chanteuses se rejoignent pour la troisième Cantate, Aminta e Fillide « Arresta il passo » (17 minutes). Chacune à son tour échange des récits et des airs avec humour et légèreté pour finalement se rejoindre en duo. Les deux voix des artistes se marient très bien avec les mêmes affinités de nuances et précisions dans les vocalises : la cadence finale à deux voix est exécutée en parfaite harmonie.
La Sonate en trio opus 2 n°1 en si mineur (12 minutes) permet en outre d'entendre seul Le Concert d'Astrée. Avec élégance et grâce, Emmanuelle Haïm dirige depuis son clavecin cet ensemble précis, très attentif aux nuances.
Le public finit ainsi complètement sous le charme de ce trio de dames, comme en témoignent les multiples « Bravo » à la fin du concert. Deux beaux duos sont alors offerts en bis. Le premier, toujours signé Haendel, « Bramo aver mille vite » d'Ariodante où les voix se partagent toujours avec facilité les vocalises, le second de la main de Claudio Monteverdi « Pur ti miro » concluant Le Couronnement de Poppée en très longues phrases tenues jusqu’à leurs termes, sans le moindre effort, pour conclure cette très belle soirée de cantates italiennes.