Révélations de l’ADAMI aux Bouffes du Nord : plaisir des mots et des sons
Dans l’intimité du Théâtre des Bouffes du Nord à Paris, huit révélations classiques de l’ADAMI (quatre instrumentistes et quatre chanteurs lyriques) offrent un concert alternant pièces musicales et pièces chantées. Le hautboïste Philibert Perrine apparaît du fond de scène, jouant avec agilité tout en marchant vers le public. Au violoncelle, Justine Metral impressionne, variant la vitesse de son vibrato avec subtilité et produisant un son à la fois profond et rond. De même, Jonathan Fournel livre une Étude de Debussy très aboutie, les mains virevoltant à une telle vitesse sur le clavier que le son des marteaux de l’instrument finit par produire une texture homogène. Enfin, l’altiste Adrien Boisseau délivre un Konzertstück d’Enesco virtuose, exaltant des graves ténébreux et des aigus virevoltants. L’écoute entre les musiciens est manifeste et permet une précision constante, notamment dans la sautillante Rumänische Melodie de Max Bruch ou dans la Sonate pour violoncelle et piano, emplie de l’humour musical de Chostakovitch.
Le longiligne baryton Benjamin Mayenobe fait briller son goût du théâtre et son timbre brillant aux aigus clairs mais dont les graves se serrent en gorge. Dans un extrait de Roméo et Juliette, il prend un plaisir manifeste à colorer les vers, d’une diction précise. Puis, dans l’air de Ford (Falstaff), il exhibe une ampleur qui intrigue et invite à l'entendre dans l'œuvre complète. Éléonore Pancrazi (bientôt à l’affiche de Trouble in Tahiti / Manga Café à l’Athénée -réservations ici) entonne « Si vous saviez combien c’est long un an » extrait des Aventures du Roi Pausole d’Honegger, s’appesantissant longuement sur « long », les yeux levés au ciel. Dans cet air très théâtral, elle déguste chaque syllabe avec sensualité, obtenant à plusieurs reprises les rires de l’assistance. Ses longs aigus sont clairement émis, tandis que ses graves ont un éclat mordoré. La mezzo-soprano aborde ensuite l’air final de Cenerentola, dont elle a l’ambitus (les notes les plus hautes étant toutefois légèrement forcées) et l’agilité.
Blaise Rantoanina interprète d’abord un extrait du Roi d’Ys avant de s’attaquer à l’air de Belmonte dans L'Enlèvement au Sérail (qu'il interprétera à Rouen en avril -réservations ici). Sa voix souple au vibrato léger dispose de suaves aigus poitrinés. L’émission est très directe et le phrasé travaillé et expressif, mettant en valeur un joli legato. Marianne Croux, artiste de l’Académie de l’Opéra de Paris, dispose d’une voix aiguisée mais large et bien projetée qu’elle met en avant dans l’air d’Ilia (Idoménée). De son timbre doux s’élève un vibrato modéré en fréquence et en amplitude. Son chant nuancé au phrasé raffiné, aux trilles et mélismes précis, se révèle beaucoup plus lyrique dans l’air de Micaëla (Carmen).
Les chanteurs exécutent également des ensembles dans lesquels ils ont l’occasion de montrer d’autres facettes de leur talent théâtral, notamment dans le jeu muet. Toutefois, peut-être par manque de répétitions collectives, le duo de l’Élixir d’amour chanté par Marianne Croux et Blaise Rantoanina manque de l’élan nécessaire pour faire vivre pleinement l’humour de la partition, tout comme le Brindisi de Traviata, rassemblant l’ensemble des artistes lyriques et instrumentistes, ne parvient pas à faire émerger les bulles de champagne. Qu’importe, ces jeunes ont de l’avenir et méritent un toast !