La Légende du Roi Dragon enflamme la jeunesse à l’Opéra de Lille
Retrouvez ici la vidéo intégrale de ce spectacle
Afin de transmettre le patrimoine à ceux auxquels il appartient (c’est à dire à tous), l’Opéra de Lille mène depuis 2015 le projet « Finoreille », sous la forme d’ateliers (15 ouverts à ce jour) de pratique vocale (sous la direction experte de Brigitte Rose et de son équipe), irriguant toute la région des Hauts-de-France, en particulier dans les zones a priori les plus « éloignées » de l’opéra.
Inspirée d’une légende coréenne, La Légende du Roi Dragon a été écrite et composée par Arthur Lavandier qui signe ici un opéra en trois parties pour 205 enfants qui incarnent principalement des personnages « collectifs » (le dragon, des animaux divers), avec cinq solistes. Dans le monde sous-marin, le Roi Dragon est mourant, il évoque le cœur d’un lapin avant de s’endormir. En référence à une prophétie ancienne, on envoie alors sur la Terre, le Soldat Tortue pour ramener ce cœur dont on pense qu’en le mangeant le Roi pourra guérir. Soldat Tortue découvre alors un monde étrange, où la liberté règne et où l’on vote pour élire le prochain dirigeant. Nombre d’animaux se présentent. Prenant le tigre pour un lapin, Soldat Tortue se met en danger et sera sauvé justement par Maître Lapin, qui doté d’un grand cœur le prend sous sa protection. Soldat Tortue est partagé entre son devoir et l’affection qu’il éprouve pour ce nouvel ami. Il emmène néanmoins Maître Lapin dans son Monde. Menacé d’être tué par les ministres, Maître Lapin est sauvé par Soldat Tortue qui éprouve des remords. Devant ce geste, Maître Lapin décide de se sacrifier, mais le Roi lui fait grâce : c’est en fait de la grandeur de son cœur dont il était question.
Chloé Briot (à retrouver en interview) en Soldat Tortue, a une jolie voix au médium structuré. Très crédible en "boy scout" (son costume), elle assume son rôle assez varié avec volontarisme et sensibilité. La voix est plutôt sonore et aisée, associée à un jeu très engagé. La soprano Marie Picaut (Maître Lapin) est très mobile dans son costume de "racaille" (clean !). Elle possède une jolie voix étendue, claire et sonore, qui parvient pour sa part à passer les cuivres, même lorsqu'ils sont tonitruants, en incarnant toujours son rôle avec justesse et sensibilité. Le contre-ténor Théophile Alexandre (Ministre Poulpe, Candidat Hippopotame, Garde) est assez engagé scéniquement mais possède une voix légère, trop souvent inaudible malgré ses qualités d'acteur. La jeune basse Damien Pass (Ministre Coquille Saint Jacques, Candidat Tigre, Garde) a une jolie voix assez sonore et lui aussi un beau tempérament d'acteur : il caractérise bien les divers personnages qu'il a à assumer. Enfin, Tomislav Lavoie (Ministre Poisson Lune, Candidat Flamand-Rose, Garde) est baryton-basse et possède un jeu théâtral réjouissant, avec cependant un format vocal plutôt moyen (il est lui aussi souvent couvert par les cuivres de l'orchestre).
Le Balcon n'est pas à proprement parler un orchestre d'opéra, c'est un ensemble instrumental à géométrie variable (ici 15 musiciens), comprenant des cordes, des bois, des cuivres, un piano, une harpe et des percussions. Il double ici son effectif en incluant des élèves de l'École Supérieure Musique et Danse Hauts-de-France-Lille. Le Balcon ainsi étoffé assure sa partie avec efficacité (véhémence, tendresse, burlesque, lyrisme), même si les cuivres prévus par le compositeur sont parfois contre-productifs. Tout cela est rondement mené, alternant les moments de chœur et les parties solistes. La musique inspirée du style d’opéra coréen Pansori, est simple, très rythmique, efficace, souvent lyrique aussi. L’écriture vocale est simple pour les enfants (homophonique, homorythmique) et plus élaborée pour les solistes (en particulier pour les voix de femmes).
Johanne Saunier sait faire prendre la mayonnaise d’une entreprise complexe, faire circuler 205 enfants dans le temps de la partition sans précipitation et avec efficacité. Les enfants y mettent tout leur cœur et obtiennent en retour un succès mérité (la salle rassemble à l’évidence de nombreux parents). Les solistes apportent à ce conte musical leur humour et leur malice parfois, mais aussi de l'émotion.
Cette œuvre s'adresse bel et bien aux enfants, moins sur un plan purement spectaculaire que grâce à une jolie histoire et un humanisme de bon aloi. Les enfants ont sans doute vécu une aventure inoubliable, qui peut-être les marquera, ce qui est l’essentiel en fin de compte.