My (un)fair lady : à l'Opéra Comique, my maîtrise is rich
Dans le cadre de sa programmation "Mon premier festival", l'Opéra Comique invite petits et grands à des œuvres tout public. Après Le Mystère de l'écureuil bleu et avant La Princesse légère (réservez vite) conviant un public rajeuni, ce sont les planches de la salle Favart elles-mêmes qui sont investies par la fraîcheur de sa Maîtrise Populaire pour My Fair Lady, comédie musicale composée par Frederick Loewe sur un livret d’Alan Jay Lerner, inspirée de la pièce de George Bernard Shaw, « Pygmalion ».
La belle candeur juvénile sur scène et la salle emplie de parents à la fois stressés et fiers de leur progéniture contribuent à construire une ambiance de spectacle de fin d'année (même les couloirs, le foyer et les bustes des augustes compositeurs se sont mis dans l'esprit de kermesse en se parant de cotillons et lampions de crépon). Ce spectacle a toutes les qualités d'une belle prestation de jeunes amateurs et les innombrables défauts sont pour la plupart de véniels péchés de jeunesse, certains ajoutant même au charme de la soirée (comme le délicieux accent français en anglais). La centaine de maîtrisiens, balayant tous les âges du jeune bambin au jeune adulte, s'essaye crânement à la si délicate forme du musical qui requiert les talents associés et même synchronisés de chanteur, acteur et danseur. Le jeu est certes souvent maniéré mais il ne tremble pas, le chant peine à se projeter mais il est juste, enfin les claquettes résonnent bien en place avant de s'éparpiller. Quant aux passages dansés et chorégraphiés, ils sont admirables, sans aucune réserve : les jeunes artistes s'élancent et virevoltent à travers le plateau en couronnant la grâce par l'agilité. Ces talents ne seraient pas aussi appréciables sans l'accompagnement des deux pianistes qui remplacent l'orchestre dans cette version, en assurant parfaitement la qualité cardinale pour que tout tienne bien en place : la pleine rigueur rythmique. Leur assurance permet ainsi à la directrice musicale et scénique Sarah Koné de se concentrer pleinement sur le plateau. Déployant une énergie de colosse mais tout en douceur et agilité, elle décuple les intentions et articulations pour être bien sûre qu'il en reste un dixième dans l'énergie et la bouche des jeunes artistes. Un travail en tout point admirable !
Dans le plateau noir et vide, les décors sont minimalistes : une estrade suffit à représenter une tribune où la bonne société se réunit pour assister aux courses de chevaux et se jauger par la qualité de sa conversation, un rideau et trois lustres composent une salle de bal. Cette épure laisse d'autant admirer par contraste les costumes recherchés, opposant les salopettes de travail du peuple, les robes de servantes et les riches toilettes des femmes (l'héroïne de cette œuvre escalade d'ailleurs la hiérarchie sociale de ces trois tenues dans l'ordre, à mesure que sa prononciation s'améliore).
La Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique doit d'autant plus être félicitée pour les qualités qu'elle parvient à proposer que cette production souffre d'un péché originel (dont ils ne sont nullement responsables) : le choix même de faire représenter My Fair Lady par une jeune troupe française, avec des dialogues parlés en français et des airs chantés en anglais. En effet, My Fair Lady relate l'histoire d'une pauvre femme à l'accent cockney (du peuple ouvrier à l'Est de Londres), qui apprend à parler (et se comporter) en lady. Sauf que ce ressort de l'intrigue disparaît totalement lorsque les dialogues sont en français alors que les chants sont en anglais ! L'histoire perd tout son sens et le spectacle passe son temps à donner des conseils de prononciation dans une langue, pour se mettre à chanter dans une autre. Certes, l'adaptation tente de faire d'abord parler l'héroïne dans une espèce de vieil accent français (ou plutôt françois avec les sons "oi" transformés en "oué"), mais cet accent change d'une phrase sur l'autre, il est ensuite complètement abandonné et finalement, une partie du texte est tout simplement conservée en anglais. Le répertoire de comédie musicale ne manque pourtant pas de trésors qu'aurait parfaitement pu assumer cette belle Maîtrise. Ce spectacle peut ainsi s'enorgueillir de donner l'envie d'entendre ces jeunes artistes dans leur prochaine production, on l'espère mieux choisie.