Stanislas de Barbeyrac et Alphonse Cemin parlent au cœur et à l’esprit
Pour ouvrir ce récital, Stanislas de Barbeyrac et Alphonse Cemin avaient choisi de présenter, après le célèbre « Adélaïde », le réel premier cycle de Lieder de l’histoire de la musique À la Bien-aimée lointaine (An die ferne Geliebte) op. 98 de Ludwig van Beethoven composé en 1816. Cet ensemble de cinq Lieder sur des poèmes d’Alois Jeitteles, d’essence très sombre sinon presque désespérée, est abordée de façon parfaitement construite par les deux artistes, mais en accentuant un peu trop l’aspect dramatique du cycle, dans une même et unique couleur surtout. La voix de Stanislas de Barbeyrac, qui demande un temps pour pleinement s’épanouir, démontre qu’elle s’est considérablement élargie et s’est parée de couleurs profondes alors que l’aigu s’impose désormais avec une belle solidité.
Ces qualités apparaissent et se développent davantage dans le second cycle choisi, Les Nuits d’été d’Hector Berlioz sur des textes de Théophile Gautier. Si les deux premières mélodies Villanelle et Le Spectre de la Rose, peuvent encore assurément gagner en souplesse et en abandon, les suivantes, de Sur les lagunes à L’île inconnue, ravissent totalement par les affinités spécifiques que le ténor démontre avec cette musique et la sensibilité, la musicalité dont il sait faire preuve.
Avec les Banalités de Francis Poulenc, sur les textes exquis de Guillaume Apollinaire, l’excellence est d’emblée atteinte. Stanislas de Barbeyrac triomphe actuellement dans le rôle du Chevalier de la Force des Dialogues des Carmélites de Poulenc, de Bruxelles à Paris, en passant par Caen et bientôt Bologne dans la production superbe d’Olivier Py. Sa compréhension de la musique de Poulenc est complète tout comme le respect total du style et de l’esprit. La tenue vocale s’avère exemplaire : il propose, avec Alphonse Cemin pour partenaire d’élection, de redécouvrir un cycle quelquefois trop galvaudé !
En choisissant pour leur premier bis la très redoutable Sérénade de Don Juan de Tchaïkovski, hommage enthousiaste au Don Giovanni de Mozart ouvrage que le compositeur russe admirait plus que tout, les deux artistes s’attaquaient à forte partie ! Démontant tous deux une énergie redoutable et une force de conviction inébranlable, ils remportent haut la main le pari et soulèvent de bonheur le public du Théâtre de l’Athénée. Succès immédiatement réitéré avec l’air de Don José extrait de Carmen de Bizet chanté avec totale plénitude et une fois encore dans le respect de la partition, avec un piano final idéal et rayonnant, loin du forte souvent imposé par la plupart des ténors. Stanislas de Barbeyrac semble ici vouloir explorer des sentiers nouveaux pour le devenir de sa carrière. Pour conclure cette belle soirée, le duo se lance dans un genre fort différent, celui de l’opéra-comique et de l’opérette, avec Les Cloches de Corneville de Robert Planquette et le fameux rondeau en forme de valse d’Henri « J’ai fait trois fois le tour du monde », rôle créé en 1877 par un ténor devenu depuis l’apanage des barytons aigus comme Michel Dens. Et Stanislas de Barbeyrac y excelle aussi ! Il sera possible de retrouver le ténor lors d’un autre récital parisien le 9 avril prochain dans le cadre de l’Instant Lyrique à l’Éléphant Paname avec Antoine Palloc au piano dans un programme intitulé L'opéra en français : De Rameau à Verdi. Un rendez-vous prometteur à ne surtout pas manquer (réservations).