Premier récital parisien du contre-ténor Jakub Józef Orliński : la Salle Gaveau en émoi
Grand et mince, fort beau garçon au sourire rayonnant et l’air d’un éternel étudiant, passionné outre le chant par le break dance, Jakub Józef Orliński possède de nombreux atouts pour effectivement séduire le public. Auréolé de nombreux prix, diplômé de la Juilliard School de New York, il s’est fait tout particulièrement remarquer lors du dernier Festival d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence au sein de la production d’Erismena de Francesco Cavalli (rôle d’Orimeno) dirigée par Leonardo García Alarcón au Théâtre du Jeu de Paume. Son interprétation de l’air extrait d’Il Giustino « Vedro con mio diletto » de Vivaldi avec Alphonse Cemin au piano, relayée par France Musique a fait un « tabac » sur Youtube.
En ce début de carrière, il vient de signer par ailleurs un contrat d’exclusivité avec le label Erato. Un premier récital d’airs sacrés du 17ème siècle paraîtra en septembre prochain avec l’Ensemble Il Pomo d’Oro. Une voie royale semble dès lors toute tracée devant lui ! Alors, d’où provient ce sentiment un rien mitigé sur sa prestation parisienne ?
Si le musicien apparaît totalement épanoui, l’artiste est encore jeune au plan vocal. La Salle Gaveau, salon musical à taille humaine avec son ambiance feutrée a été fort judicieusement choisie. La voix, encore un peu courte en volume, trouve à exprimer sa juste mesure actuelle dans cet écrin. Alto et non soprano, ce jeune contre-ténor polonais, dans la première partie de la soirée consacrée à deux cantates de Vivaldi (Cessate omai cessate puis Amor hai vinto), montre certaines limites et des sons un peu fixes. Il lui faut un temps d’échauffement pour que déjà sur la seconde cantate, le matériau vocal s’affirme tout comme les sauts d’octaves et les vocalises. Sans être décisif, le timbre se pare peu à peu de jolies couleurs. C’est toutefois en seconde partie avec des airs d’opéras de Haendel que l’artiste paraît soudain plus en phase. Déjà l’accent et le sentiment s’affermissent, la vocalise surprend sans perdre de sa fraîcheur, le souffle se fait plus long, l’intention et l’émotion s’installent plus durablement.
Le programme Haendel comprend « Furibondo spira il vento », l’air chanté par Arsace dans Partenope, le récit et air de Tolomeo Re d’Egitto, « Che più si tarda omai » et « Stille amare », puis l'extrait de Tamerlano « A dispetto d’un volto ingrato ». Dans le dernier numéro, le superbe air d’Ottone extrait d’Agrippina « Voi che udite », Jakub Józef Orliński se hisse au plus haut et montre des qualités d’ensemble qui effectivement augurent d’une belle carrière et d’une réelle personnalité. Il bénéficie, il est vrai, de tous les soins d’Il Pomo d’Oro sous la baguette du violoniste et lui-même contre-ténor, Dmitry Sinkovsky. Ce dernier (entendu en clôture du dernier Festival d'Ambronay) est largement applaudi pour sa vibrante interprétation du Concerto pour violon en ré majeur de Jean-Marie Leclair, belle page orchestrale très inspirée. En bis, très ému par l’accueil chaleureux du public, Jakub Józef Orliński offre une émouvante reprise de l’air d’Il Giustino, avant que Dmitry Sinkovsky ne le rejoigne pour un duo soprano/alto de grande et élégante facture.