Lea Desandre et Marc Mauillon en récital à l'Opéra Comique
La viole de gambe de Myriam Rignol ouvre le concert par la mélodie de Marc-Antoine Charpentier intitulée Charmantes fleurs naissez qui commence comme Plaisir d'amour et finit comme le Gloria d'Il est né le divin enfant (idéal pour un concert donné durant la période de Noël). Synchronisés et harmonieux, le clavecin de Jean Rondeau et l'archiluth de Thomas Dunford balayent l'harmonie avec allant et légèreté, appelant les "petits oiseaux". Inondés par des projecteurs placés à leur verticale, les chanteurs Lea Desandre et Marc Mauillon y accordent leur douceur, aussi lumineuse que leurs sourires qui leur donnent l'éclat des personnages ravis dans la crèche de Noël.
Sur un appui très légèrement laryngé, Lea Desandre voise en descendant vers le grave ou s'envole aisément vers l'aigu. Sa voix subtile interprète certes On n’entend rien (mélodie composée par Sébastien Le Camus), mais elle est pleinement audible, sa délicate projection s'affirmant autant que son placement vocal. En une phrase des Tristes déserts composés par Marc-Antoine Charpentier, elle esquisse les qualités requises d'une chanteuse baroque : messa di voce (tenue de voix allant croissant et décroissant), voix droite s'ouvrant au vibrato et voix blanche de stupeur.
Marc Mauillon s'avance à son tour en soliste, pour interpréter la Charmante Nuit de Michel Lambert. Il dispose d'un procédé efficace pour accrocher les résonances et projeter sa voix : il élance son chant vers le masque (ses propres résonateurs faciaux) et vers le public avec un accent abdominal (mais aussi en avançant son corps, se levant sur la pointe des pieds et même en écarquillant les yeux). Le chanteur use -et abuse- de cet effet, convoqué tout au long du concert et plusieurs fois dans chaque phrase, ce qui précipite ses vocalises et rompt son discours habituellement construit. Cela étant, c'est rendre hommage à ses qualités musicales, que de constater combien demeurent malgré tout sa prononciation remarquable et la suavité de son medium. D'autant que d'aucuns seront sans doute ravis par ses œillades et minauderies, qui rendent toute la candeur pastorale de ce répertoire.
Les airs continueront ainsi à s'enchaîner, tour à tour en solos et en duos, avec certains intermèdes instrumentaux admirables. La rêveuse de Marin Marais emporte le public dans une langoureuse méditation, prolongée par certains spectateurs jusque dans les bras de Morphée. L'attention revient toutefois bien vite, avec certains rires devant l'absolue candeur de ces textes qui parlent d'agneaux et de petits chiens, d'autant que les instrumentistes s'amusent alors à bêler et aboyer ! Sans oublier l'air de Charpentier, donnant un conseil de saison : "auprès du feu l’on fait l’amour/Aussi bien que sur la fougère !"
Dans cet esprit galant et léger comme les fêtes, ce récital célébrait également les retrouvailles de Lea Desandre et Marc Mauillon sur cette scène de l'Opéra Comique, après leur performance dans Alcione (à retrouver ici en compte-rendu). Découvrez-les également sous un jour ludique :