Il était une fois Into the woods à l’Amphithéâtre Bastille
L’Opéra de Paris présentait ce samedi la comédie musicale Into the woods de Stephen Sondheim à l’Amphithéâtre de Bastille, dans le cadre de sa saison jeune public. L’intrigue se compose de deux parties : la première est un entrelacs de contes de fées inspirés des frères Grimm et la seconde présente leur désenchantement. Ainsi, Cendrillon se rend-elle compte que le Prince charmant la trompe, la géante à qui Jack a volé la harpe grâce à son haricot magique descend du ciel pour se venger, les morts et les disputes s’accumulent. De fait, le choix de cette œuvre pour un jeune public, interroge. Pour s’adapter aux spectateurs de huit ans, les deux tiers de la seconde partie ont été coupés, édulcorant au passage l’œuvre pour les adultes. Pour autant, un spectacle de deux heures sans entracte, dont les parties chantées (importantes pour comprendre l’évolution de l’intrigue) sont en anglais sans surtitres (ce qui est étonnant car un enfant de huit ans est bien plus susceptible de savoir lire que de comprendre l’anglais) reste probablement difficile d’accès pour le public visé.
Ceci étant, Mike Guermyet parvient à proposer une mise en scène à la fois efficace et féerique. La scénographie, signée Gérard Champlon, présente avec poésie un livre (de conte) ouvert sur lequel sont projetées des vidéos posant un décor ou donnant vie à des personnages difficiles à faire exister au théâtre, comme la vache de Jack ou les géants. Des trappes y sont aménagées pour créer des interactions entre les chanteurs-comédiens et les projections (de manière souvent humoristique). Cela permet d’enchaîner les entrées et sorties à un rythme endiablé en variant les ambiances et les décors.
Comédie musicale oblige : une partie des airs sont chorégraphiés par Christine Marneffe, dont les pas sont remarquablement interprétés par les chanteurs issus de l’Ensemble Justiniana en Franche-Comté et du chœur d’enfants Sotto Voce. Ces derniers campent leurs rôles avec conviction. Les voix, sonorisées, sont belles (malgré quelques défauts de justesse) et les compositions théâtrales très professionnelles. Les ensembles sont parfaitement en place malgré la complexité contrapuntique de la partition. Le Boulanger dispose d’une voix aussi claire que la Boulangère a une voix ronde. La Sorcière produit un son rocailleux mais se fait parfois caressante, et débite son texte avec dextérité dans un phrasé travaillé. Cendrillon laisse entendre un timbre velouté et est entourée de deux sœurs parfaitement insupportables et bien coordonnées. Jack rend bien la juvénilité de son personnage tandis que le Narrateur a des graves vibrants qu’il sait rendre acide lorsqu’il prend les traits du loup (dont l’ombre se retrouve judicieusement dans la projection vidéo). Enfin, les deux princes se complètent bien dans leur élégant cynisme.
L’ensemble de huit musiciens est dirigé par le percussionniste Nicolas Mathuriau, qui joue du coup de la batterie debout. Il bat la mesure avec sa batte de triangle, gardant parfois une main dans sa poche. Il parvient en tout cas à maintenir le rythme effréné de l’œuvre de bout en bout. Le spectacle se termine sur un joli tableau rassemblant l’ensemble des personnages (morts ou vifs) autour du bébé du Boulanger et de la Boulangère : les applaudissements fournis accueillent la prestation de ces jeunes artistes.
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