La Philharmonie de Paris fait sa diva
L'Orchestre Pasdeloup, mené par Samuel Jean inaugure ce concert avec l'Ouverture et la Bacchanale du Venusberg de Tannhäuser, dans sa version de Paris datant de 1861. De ses gestes amples, le chef dirige les musiciens et fait s'agiter les vagues wagnériennes. Le public ressent la douceur puis la puissance de Vénus dans cette ouverture grandiose. Cette mise en bouche magistrale permet au public de découvrir l'acoustique exceptionnelle de la Grande Salle Pierre Boulez.
Le metteur en scène et auteur Christophe Mirambeau est aux manettes de la programmation et fête à cette occasion le dixième anniversaire de sa collaboration avec l'Orchestre Pasdeloup. Entre chaque air, il éclabousse le public d'anecdotes croustillantes et retrace l'histoire de ces divas et divos, termes issus de l'italien qui se référaient avant tout aux étoiles masculines : les castrats. La France, leur préférant alors les cantatrices, élève la Prima Donna au rang suprême au cours du XIXe siècle. Ainsi, elles ne sont pas simplement talentueuses : elles inspirent les compositeurs qui accordent leur plume à leurs caractéristiques vocales.
Amel Brahim-Djelloul (© Philippe Gromelle)
La programmation de ce concert rend donc hommage à ces cantatrices de talent et aux compositeurs qui ont écrit pour elles. Amel Brahim-Djelloul est la première diva sur scène, interprétant « Je suis encore toute étourdie », air de Manon, composé par Massenet pour Marie Heilbronn. Dans une magnifique robe rose, la soprano montre de puissants aigus, un vibrato serré, mais peine à se faire entendre dans les graves. Arrive ensuite Julien Dran, pour interpréter l'air final de Roméo et Juliette de Gounod. La puissance de l'orchestre couvre les interprètes dans les médiums, que la voix de poitrine très poussée du ténor ne parvient à surpasser que dans les aigus. Le public est malheureusement obligé de tendre l'oreille pour profiter de toutes les notes. Dran, derrière son pupitre, donne une performance en demi-teinte, manquant d'intonations, aux côtés de la soprano, vivant son personnage dans chaque phrasé.
Julien Dran (© Harcourt)
Vient ensuite le moment de rendre hommage à un divo : Jean-Baptiste Faure, qui inspire Meyerbeer dans l'écriture du Pardon de Ploërmel. Florian Sempey, de sa puissante voix, parvient à se faire entendre sans difficulté, et quel délice ! La musique n'a même pas commencé que le baryton habite déjà son personnage, à travers sa posture, ses gestes et ses regards. Ses intonations sont justes et la « Puissante magie » qui opère sur scène, c'est sa voix. Son interprétation est ovationnée par le public.
À son tour, Ambroise Thomas écrit Hamlet pour la voix de Faure. Sempey et Brahim-Djelloul interprètent le duo du premier acte entre Ophélie et Hamlet : « Doute de la lumière ». Leurs voix se marient élégamment et leurs interprétations respectives sont bien plus équilibrées. La soprano produit de très belles vocalises d'une voix cristalline.
Florian Sempey (© Pierre Virly)
Le terme de diva est alors décliné sur plusieurs champs de la création musicale : les œuvres sont elles-aussi des divas. Ainsi, après la Danse macabre de Saint-Saëns ornée d'un premier violon chaud et sensuel, c'est la version française de Lucia di Lammermoor qui est donnée. S'affrontent alors Sempey et Dran dans le duo du troisième acte entre Enrico et Edgardo (renommés Henry et Edgard dans cette adaptation). Bien que n'ayant pas autant de puissance que le baryton, le ténor se bat et démontre néanmoins la force de sa voix.
Les divas du Ballet ne sont pas oubliées : ainsi, l'Orchestre interprète « L'Apparition du Dieu
Le récital s'achève avec la dernière diva rappelant celles du XIXe siècle : Yvonne Printemps. Dans une orchestration d'Antoine Le Faure, l'air originellement pour piano et voix « Je chante la nuit » est interprété par Amel Brahim-Djelloul, qui porte une somptueuse robe bleu nuit. Elle chante ses dernières notes, le regard dirigé vers l'orchestre, dans une communion entre musique et voix.