Bastien et Bastienne à Bastille : les enfants d’abord !
Dans le cadre de sa programmation visant le jeune public, l’Opéra de Paris programme Bastien et Bastienne, œuvre composée par Mozart à 12 ans, interprétée par les artistes de l’Académie dans son auditorium de Bastille. Cette salle, en forme d’amphithéâtre, est un défi permanent pour les chanteurs qui peinent à éviter de laisser des spectateurs dans leur dos. Les enfants y découvrent en entrant un décor de fête foraine très adapté à leur goût. La mise en scène de Mirabelle Ordinaire (dont nous avions salué le travail sur Il Signor Bruschino à Massy) reste très sage et manque de rythme, réservant peu de surprises, en dehors de lumières dont les variations de couleurs émerveillent les jeunes spectateurs. Les passages des chanteurs derrière le public, seuls vrais mouvements scéniques, souffrent d’un certain effet de répétition mais permettent une plus grande proximité avec les spectateurs.
Andriy Gnatiuk dans Bastien et Bastienne (© Agathe Poupeney)
Si les trois solistes choisis ont de grandes qualités, la distribution des deux rôles masculins interpelle : leur français souffrant d’un fort accent, ils laissent le jeune public dans l’incapacité de comprendre l’intrigue, pourtant traduite de l’allemand à leur intention. Cela provoque une baisse d’attention généralisée du public, d’où monte rapidement le sifflement des conversations chuchotées. Pourtant, dès que la mise en scène offre de nouvelles idées (lorsque Colas dévoile son grimoire, par exemple), la qualité d’écoute se redresse instantanément.
Bastien et Bastienne par Mirabelle Ordinaire (© Agathe Poupeney)
Pauline Texier offre à Bastienne une voix structurée au vibrato léger. Sa voix au timbre clair et aux jolis aigus flûtés manque encore de volume mais la chanteuse compense par son habituelle fraîcheur et l’expressivité qui caractérise son interprétation. Son amant, Bastien, est chanté par le ténor Juan de Dios Mateos Segura dont la voix se caractérise par un timbre nasal et des aigus ensoleillés, projetés avec facilité. Enfin, Andriy Gnatiuk prête sa gouaille au mage Colas, dont les médiums sont ancrés et puissants, sur des graves maîtrisés. Si sa gestique paraît d’abord systématique, c’est lui qui apporte le seul grain de folie qui motive une salve d’applaudissements du public.
Pauline Texier dans Bastien et Bastienne (© Agathe Poupeney)
L’orchestre de l’Académie, placé au cœur de la scénographie, est dirigé par Inaki Encina Oyon d’un geste précis et bref qui parvient à exprimer la légèreté des Mozart de jeunesse. Le continuo, en revanche, échoue à rythmer les récitatifs, dans lesquels les répliques sont souvent espacées de plusieurs secondes les unes des autres. Impliqués dans l’intrigue, les musiciens apportent une touche d’humour, se précipitant pour offrir leurs services à Bastienne lorsque cette dernière se cherche un complice pour rendre Bastien jaloux, en prenant une pause café durant un récitatif ou en apportant un mouchoir à leur belle lorsqu’elle se lamente sur son sort. À la fin de la représentation, les enfants affirment vouloir revenir à l'Opéra : la mission est donc accomplie, malgré tout.