De l'émotion pour l'ouverture de Tous à l'Opéra (Comique) !
Le public est accueilli par Marie-Nicole Lemieux et Julie Depardieu, qui entrent par le fond de la scène dans une ambiance très chaleureuse. Lemieux présente le Festival et le concert à suivre. Uns à uns, les musiciens qui l'accompagnent pour cette soirée entrent sur scène : le pianiste Daniel Blumenthal, la soprano Chantal Santon, la mezzo-soprano Stéphanie d'Oustrac, le ténor Philippe Talbot et le baryton Florian Sempey, qui sont accueillis par des salves d'applaudissements (retrouvez ici le programme qui a été proposé pour ce week-end portes ouvertes).
Dans la salle, le public est très varié : groupes d'enfants, familles et habitués se mêlent. Les chanteurs ont troqué leurs habits de récitals grandioses pour des tenues plus décontractées, en adéquation avec le ton de cette soirée. Julie Depardieu est le fil conducteur de ce concert, lisant quelques lignes entre chaque air.
Chantal Santon
Chantal Santon ouvre le bal avec La Chanson à la Lune, extraite de Rusalka d'Antonín Dvořák (qui sera donné à Tours ce mois-ci). Elle offre une interprétation touchante, démontrant ses talents scéniques. De son regard hagard, elle s'adresse autant à la lune qu'au public et habite les silences de sa présence scénique. Démontrant ses talents de soprano, ses aigus sont puissants et clairs.
Derrière un bureau, Philippe Talbot s'assoit alors pour interpréter « Je crois entendre encore », extrait des Pêcheurs de perles de Bizet (dont une nouvelle production sera donnée à Limoges la saison prochaine). Les premières notes de l'air sont chantées piano, créant une atmosphère intimiste. Le public reste dans le rêve et la mélancolie, vivant à travers le ténor les douloureux souvenirs, surtout lorsqu'il atteint l'ivresse sur ce Si suspendu. Il termine cet air dans un souffle cristallin, laissant mourir la dernière note.
Sur la scène du Théâtre d'Orange, Talbot interprète l'air de Bizet en 2016.
Changement de registre avec Stéphanie d'Oustrac ! Quoi de plus efficace que La Habanera, extraite du Carmen de Bizet ? Elle interprète une cigarière séductrice, occupant la scène et batifolant avec les autres musiciens. Dans ses yeux brille la malice du célèbre personnage. Bien que manquant de puissance dans les graves, ses aigus sont étincelants. Depuis la scène et les coulisses, ses camarades chanteurs entonnent les « Prends garde à toi » du chœur. Lemieux et Sempey, en fond de scène, ouvrent la porte à chaque occurrence, puis la referment aussitôt, ce qui déclenche l'hilarité du public. Ce savant mélange obtient une ovation des spectateurs.
Florian Sempey rejoint Stéphanie d'Oustrac pour chanter « La ci darem la mano », extrait de Don Giovanni (Mozart). La scène se met en place : ils se répondent et leurs jeux se complètent. Encore une fois, l'expression scénique est telle que le public ne peut que se réjouir de cet air romantique. Andiam !
Florian Sempey (© Pierre Virly)
Après cette scène au ton comique, le romantisme bascule dans l'émotion. « Mon cœur s'ouvre à ta voix », extrait du Samson et Dalila de Saint-Saëns, est interprété par Lemieux, qui est, à son habitude, d'une générosité sans limites. Sa voix ronde et lumineuse est une caresse sur cet air délicat. L'équilibre entre ses graves chauds et ses aigus percutants laisse le public muet. Elle est rejointe par Philippe Talbot qui lui répond tout en délicatesse. Le public semble s’immiscer dans l'intimité de ces amants (vous retrouverez cet opéra au Théâtre des Champs-Elysées la saison prochaine avec Lemieux et Alagna).
Marie-Nicole Lemieux interprétant cet air lors du concert du 14 juillet 2016 à Paris.
Sempey arrive sur ces entrefaites, empli de jalousie, avec « Ai capricci della sorte » extrait de L'italiana in Algeri de Rossini. Lemieux et Sempey montrent dans ce duo l'étendue de leur jeu de scène. Ils déclenchent l'hilarité du public, jouant de leurs parties respectives, grâce à des nuances et des vocalises dramatiques. Leurs expressions faciales et corporelles sont extrêmement efficaces, une vraie scène comique. L'alchimie entre les deux fonctionne et offre au public une expérience lyrique drôle et prodigieuse.
La relation amoureuse se gâte, toutefois. Chantal Santon interprète « Allons ! Il le faut !... Adieu notre petite table » extrait de Manon (Massenet). Grâce à la justesse de son émotion et à sa retenue joliment ornée par sa diction impeccable, son interprétation se fait délicate et toute en nuances.
Marie-Nicole Lemieux (© Geneviève Lesieur)
« Che faro senza Euridice », extrait d'Orphée et Eurydice de Gluck est le dernier solo. Lemieux est époustouflante. Après avoir montré au public son caractère extraverti et son talent pour la comédie, elle renverse la table avec cet air déchirant. L'auditoire est submergé par son interprétation, et malgré le choix de la version en italien, le public lit en elle la souffrance d'Orphée, dont elle est habitée.
Les cinq chanteurs mettent fin ensemble au concert avec le Final des Noces de Figaro de Mozart. En premier bis, ils interprètent « Heure exquise » de La Veuve joyeuse de Franz Lehár, et invitent le public à chanter avec eux. Ils reviennent une dernière fois dans la salle avec la Barcarolle des Contes d'Hoffmann d'Offenbach, qui laisse le public voguer vers d'autres eaux, une douce mélodie en tête.
Stéphanie d'Oustrac et Philippe Do chantent « Heure exquise » aux Chorégies d'Orange en 2012.