Dix grands psychopathes à l’opéra (8/10) - Médée
Médée : de l’amour à la vengeance
Nadja Michael est Médée au Théâtre des Champs-Elysées en 2012 © Vincent Pontet / WikiSpectacle
En 1797, au théâtre Feydeau à Paris, Luigi Cherubini présente son nouvel opéra, Médée, comme un reflet des tendances révolutionnaires de l’époque. Sur un livret de François-Benoît Hoffman, le compositeur s’inspire de la tragédie d’Euripide sur la mythique Médée, femme jalouse et passionnée en proie à la haine et à la vengeance.
En Corinthe, Jason, vainqueur de la Toison d’or a abandonné la magicienne Médée, mère de ses deux fils, et s’apprête à épouser Dircé la fille du roi Créon. Mais Médée, trahie par l’homme qu’elle aime, ne l’entend pas de cette oreille et vient menacer Créon et supplier Jason de revenir avec elle. Inconscient des conséquences, celui-ci la repousse, insinuant en elle un terrible désir de vengeance. Pour Médée, contrainte à l’exil, il est hors de question de quitter Corinthe en laissant son amour et ses enfants derrière elle. Après de nouvelles et vaines supplications à Jason, elle cède alors à la fureur et prépare son châtiment.
Elle commence par assassiner la fiancée en lui offrant une parure empoisonnée sous laquelle la pauvre succombe avant la cérémonie nuptiale, puis elle invoque les dieux pour qu’ils lui donnent la force de tuer ses enfants, malgré les prières de sa servante. Jason accourt alors mais il est trop tard pour sauver ses fils. En effet, Médée apparaît dans une hystérie malsaine, en brandissant le poignard ensanglanté avec lequel elle vient d’ôter la vie à ses enfants. Tandis que tout le monde est pris de terreur, l’enfer s’ouvre pour engloutir la magicienne qui disparaît en maudissant Jason une dernière fois.
Avec Médée, Cherubini poursuit une longue tradition à l’opéra, puisqu’avant lui, de nombreux compositeurs, tels que Charpentier, Gossec et Vogel, avaient déjà donné leur version de la légende. A sa création, l’opéra de Cherubini est très mal reçu et se trouve rapidement retiré. Pourtant, selon Brahms, « Médée est l’œuvre qui, pour nous musiciens, représentait l’excellence en matière d’art dramatique ». En effet, cette œuvre sera un modèle pour les compositeurs romantiques du XIXe siècle, tels que Beethoven ou Wagner. Elle sera reprise pour la première fois en 1855 en langue allemande par le chef wagnérien Lachner. Et finalement, c’est dans une version mêlant italien et allemand que l’opéra s’imposera en 1953 à la Scala avec la prise du rôle-titre par Maria Callas, qui interprètera également Médée dans le film de Pasolini en 1969.
Ecoutez Nadja Michael en Medée et Kurt Streit en Jason, dans une mise en scène Warlikowski, à la Monnaie de Bruxelles, en 2008.
(cover : "Mlle Clairon en Médée", huile sur toile de Charles-André von Loo (1760))
Découvrir d'autres psychopathes :
Eliogabalo de Francesco Cavalli
Turandot de Giacomo Puccini
Le Prisonnier de Luigi Dallapiccola
Salomé de Richard Strauss
Don Giovanni de Mozart
Lady Macbeth de Mtsensk de Dmitri Chostakovitch
Otello de Giuseppe Verdi
Fidelio de Ludwig van Beethoven
Tosca de Giaccomo Puccini