Des Grâces de Mouret
C’est en s’intéressant à la mélomane Duchesse du Maine et son règne, tout en superbe, sur la Cour de Sceaux, que l’Ensemble La Française se fascine pour son Surintendant de la musique, Jean-Joseph Mouret. Surnommé le « Musicien des Grâces », Mouret voit sa notoriété grandir, jusqu'à devenir compositeur attitré de la Comédie Italienne et directeur artistique du Concert Spirituel. Malgré sa renommée, le génie de Rameau (né un an après lui) finit par lui faire de l’ombre et, en 1733 alors qu’il est au sommet de sa gloire, il est écarté de ses prestigieuses fonctions, pour des raisons assez obscures. Cette chute si brutale le fait sombrer dans la folie avant de mourir interné.
Séduit par le charme de son œuvre et l’élégance de cette première moitié du XVIIIe siècle, l’Ensemble La Française lui offre un hommage posthume grâce à cet enregistrement, coproduit par le Festival Jean de La Fontaine, après deux résidences à La Cité de la Voix.
Le programme choisi est structuré autour d’extraits de quatre motets, auxquels des musiques de danse offrent des intermèdes purement instrumentaux. Ceux-ci permettent aux musiciens d’exprimer autant leur tendresse d'interprétation que leur sens précis du rythme, indéniablement central pour les Airs à danser de la Première Suite. Avec un soin méticuleux de l’équilibre, les instrumentistes, sous la direction artistique de la traversiste Aude Lestienne, choisissent des tempi d’une justesse toujours pertinente et régulière. L'ensemble évite toute démonstration gratuite, installant une élégance toute française grâce à une direction mesurée, qui avance avec assurance sans jamais céder à une précipitation exubérante. Le travail de finesse se dévoile par le charme des mélodies élancées avec délicatesse. Les tendres contrastes et réponses prouvent combien d'effets peuvent passer sans exagération. Les rythmes se font parfois espiègles, notamment dans la Gigue. L’agilité est particulièrement mise en valeur dans le Rondeau et la Chaconne du Concert de chambre.
Les motets bénéficient toujours de cet équilibre, avec de surcroît la voix de la soprano Marie Remandet. Sa diction très soignée du latin se laisse porter par les inflexions mélodiques, tout le sens apparaissant sans ambiguïté. Ses phrasés, à l’instar du jeu des instrumentistes, se font caressants, dessinant une ligne mélodique à la pureté dirigée avec finesse. Ses aigus ont les mêmes qualités de pureté, élancée.
L'auditeur se laisse ainsi volontiers charmer par les mélodies tendrement dansées de Jean-Joseph Mouret, évoquant l'élégance de la Duchesse du Maine en sa Cour du Château de Sceaux et partageant le plaisir de ces danses exquises.