Daphnis et Alcimadure : restauration d’un joyau du Languedoc
Opéra en un prologue et trois actes, Daphnis et Alcimadure s’inspire de la fable éponyme de La Fontaine, racontant l’éternelle histoire du berger fou d’amour d’une bergère insensible.
Le prologue en français met en scène Clémence Isaure, fondatrice mythique de l'Académie des Jeux floraux de Toulouse, annonçant la couleur de cette intrigue pastorale.
L’opéra en lui-même, en langue d’Oc (occitan languedocien plus précisément) met en scène Daphnis, berger de noble ascendance courtisan sans succès Alcimadure. Jeanet, frère de cette dernière lui apporte son aide et un loup terrassé et une fausse mort (là se trouve la divergence avec l’histoire initiale, les goûts de l’époque préférant une fin heureuse) plus tard, la belle se rend finalement au Dieu d’amour, dans une liesse généralisée.
D’un sujet classique et badin, Mondonville fait un grand divertissement : récits, airs, ensembles et danses de caractères variés s’enchaînent de façon très dynamique, les mélodies accrochent l’oreille et l’occitan (coaché par Muriel Batbie-Castell) se dévoile en langue très vocale et plaisante.
L’orchestre Les Passions dirigé par Jean-Marc Andrieu marque d’entrée par un son plein, chaleureux et une diversité de timbres, traverso, hautbois, basson, cor et trompette s’ajoutant aux cordes habituelles. Les lignes chantent, aussi bien les unissons et colla parte (même ligne entre voix et instruments) que les quelques passages plus contrapuntiques. Le continuo est bien réalisé, très précis et dynamique.
La grande diversité des caractères et les nuances de l’œuvre sont clairement dessinées et les nombreux airs instrumentaux et danses de l’album sont fort agréables à découvrir et réécouter.
Hélène Le Corre incarne Clémence Isaure de son timbre chaleureux. À l’aise dans la finesse de l’ornementation, sa ligne vocale épouse la noblesse et le raffinement nécessaires au Baroque Français. Si son texte peut parfois manquer d’intelligibilité dans certaines lignes chantées plus larges ou dans les aigus (ce qui est normal) il l’est tout à fait dans les passages plus déclamés et dans les médiums.
François-Nicolas Geslot est Daphnis, « berger de noble race ». Précis dans sa locution, il fait montre d’une grande finesse dans l’interprétation de ses airs tendres et trouve des aigus clairs et des exclamations touchantes dans ses moments plus désespérés.
Élodie Fonnard est la belle Alcimadure. Sa ligne vocale est fine et élégante. Son timbre léger, précis (appréciable dans les nombreux tours de gorges du rôle) et chaleureux épouse aussi bien le style du Baroque Français que le caractère pastoral de l’œuvre.
Fabien Hyon prête la puissance de son timbre de taille (ténor) à Jeanet, militaire entremetteur, personnage introduisant une dimension plus comique et tonitruante à l’œuvre. Très intelligible, précis dans ses vocalises et claironnant sans peine (mais toujours dans le bon goût si important au style français) ses aigus et exclamations diverses.
Le chœur Les Éléments magnifie la pompe générale de l’œuvre par ses interventions (« Que ta gloire vole et s’étende » tout particulièrement), apportant une puissance et une élégance supplémentaire au résultat.
Le CD est bien produit, le livret riche et complet. Le mix est de qualité, l’orchestre et le chœur sont spatialisés de façon à donner un son large, également plein et précis. L’équilibre entre orchestre, chœur et solistes est notable.
Daphnis et Alcimadure se présente ainsi en projet rempli de cœur et de Passions, un travail de longue haleine, une large collaboration qui mène clairement à un résultat musicologique, musical, linguistique et de grand divertissement, en plus de ressusciter l’œuvre de Mondonville.