L'Au-delà du baroque italien gravé par Jakub Józef Orliński
Le titre de ce nouvel album du jeune contre-ténor (et break-danseur) polonais a de quoi intriguer : Beyond, c’est-à-dire « Au-delà ». Le répertoire choisi dans ce disque n'est cependant pas religieux mais puise dans le répertoire de cantates et d’opéras italiens, avec quelques pièces instrumentales. En vérité, expliquent les artistes, il s’agit plutôt de redonner vie à cette musique au-delà de son siècle tout en plongeant dans ce répertoire baroque, et d’offrir une expérience d’écoute au-delà d’un concert classique traditionnel. L’album est ainsi notablement agencé, alternant les œuvres connues de Monteverdi, Cavalli, Caccini, mais aussi les redécouvertes, en jouant sur le contraste, typique de l’esprit baroque, de pièces sérieuses et burlesques. Le livret d’accompagnement rédigé par le chef et créateur du programme Yannis François expose de manière instructive chacun des trente-quatre morceaux.
Un compositeur tient une place prédominante dans cet album : Giovanni Cesare Netti, né en 1649 à Putignano près de Bari et mort en 1686 à Naples, où il a connu une carrière prolifique. Malheureusement, son œuvre a été en grande partie perdue. Son écriture met en contraste des mélodies harmonieuses et des lamentations chromatiques (par le petit intervalle du demi-ton) déchirantes, souvent au sein d’un même morceau, changeant brusquement de ton et de pulsation. Mais sa plume a également laissé des pièces d’inspiration purement comique et carnavalesque, comme dans l’air de Crinalba, la vieille nourrice amoureuse. Jakub Józef Orliński (dont le livret annonce qu'il endosse ainsi ici son premier rôle « travesti ») s’en donne à cœur joie, enlaidissant sa voix et saccadant les vocalises.
Jakub Józef Orliński apparaît en pleine possession de ses moyens vocaux et expressifs, audacieux comme plus académiques. Le timbre est doux et émouvant, l’émission légèrement aspirée n’en laisse pas moins saillir des harmoniques aiguës cristallines. Pour les arias posées et sentimentales, il déroule son phrasé sur un legato subtil, épousant toutes les inflexions du texte. Il s’illustre aussi par son agilité vocale sur les pièces virtuoses. Le son clair des instruments de l’ensemble Il Pomo d'Oro offre un écrin de choix à son chant. Les pièces festives sont particulièrement soignées, interprétées avec un entrain endiablé.
Cet album qui joue agréablement sur les contrastes offre un tour d’horizon du Seicento musical, au-delà du répertoire abordé habituellement en concert, en conciliant l’exigence d’une interprétation savante et la volonté d’ouvrir ce répertoire à un large public, le tout dans la riche langue italienne de ce siècle baroque.