L'Instant Lyrique de Florian Sempey Salle Gaveau : mots et couleurs de la musique française
Ce parcours musical voyage de l'intimité de la mélodie à la théâtralité de l’opéra, de la douleur mélancolique du Poème de l’Amour et de la Mer de Chausson au brillant de l’air d’Hoël dans Le Pardon de Ploërmel de Meyerbeer en passant par Ravel (le cycle Don Quichotte à Dulcinée), Ambroise Thomas (l’air d’Hamlet “Comme une pâle fleur”) et Gounod (“Mab, la Reine des mensonges” extrait de Roméo et Juliette). Florian Sempey défend ce répertoire, qui n’est pas forcément le plus fréquent, avec une profonde musicalité et un vrai goût des mots.
Dès les premières notes du cycle de Chausson, l’implication du chanteur rend en effet justice au texte malgré ses méandres. Le poème devient compréhensible non seulement par le soin de la prononciation mais également par l’émotion que l'interprète met derrière les mots. La partie “le temps des lilas” est ainsi chantée piano, jusqu’aux limites de la voix, comme si le baryton privilégiait le texte aux élans de la musique. Il cherche à habiter la mélodie même quand il se tait, accompagnant le piano de David Zobel de sa présence par un regard ou par un geste. Très en voix, Florian Sempey ne fait ensuite qu’une bouchée du cycle de Ravel, en mettant une légère ironie dans la “Chanson romanesque” et une gouaille sympathique dans la “Chanson à boire”. Les extraits d’opéras confirment cette aisance vocale et scénique : les mots d’Hamlet sonnent juste, l’air d’Hoël amuse et l’histoire de la reine Mab ébouriffe. À chaque fois le baryton parvient à créer une relation avec le spectateur (même en nombre très restreint dans la salle et même à destination des futurs auditeurs de France Musique), notamment dans les airs comiques par son espièglerie mais aussi par sa précision dans l’histoire qu’il raconte. Le talent bouffe du baryton est bien entendu présent et fait son grand retour en bis dans “Les Gars qui vont à la Fête” de Poulenc, l’air de Figaro du Barbier de Séville mais Florian Sempey rappelle aussi sa capacité à émouvoir dans “Wandrers Nachtlied” (Chant de nuit du voyageur) de Schubert.
L'aisance s’entend tout autant : la voix est ronde, sombre et un peu trouble notamment dans le grave de la tessiture où elle perd parfois de sa franchise. Cependant tout le corps du baryton participe à l’émission, le son est ancré et le timbre homogène sur tout l'ambitus, même dans les piani qui gardent leur couleur. Le chanteur semble très en forme, ses aigus sont généreux et brillants même si par moments cette vaillance peut prévaloir sur le legato des phrases. Il trouve avec David Zobel un piano attentif et musical et qui sait donner vie à la “Romance sans parole n°3” de Fauré.
En somme, la soirée propose deux artistes chez Florian Sempey : l’un efficace et truculent maniant le second degré et l’autre touché par la musique, presque gauche dans son émotion, mais avec une sensibilité d’artiste indispensable pour donner vie au répertoire qu’il affectionne.
Un concert diffusé sur France Musique et sur cette page ce 24 mai à 20h