Passion selon Saint Jean en direct de la Cathédrale Saint-Étienne de Vienne
L'association Kulturdach (Toit de la Culture) de Vienne, soutenue entre autres par le Directeur de l'Opéra d'État de Vienne Bogdan Roščić, est une organisation de soutien consacrée aux activités culturelles viennoises à la Cathédrale Saint-Étienne (Stephansdom). Grâce aux contributions des mécènes, l'association présente en concert gratuit la Passion selon Saint Jean, enregistrée en direct le soir du 27 mars 2021 dernier et toujours disponible.
Roman Gerner, Directeur de la Radio classique de la Cathédrale Saint-Étienne, se réjouit ainsi de cette initiative : « C'est une grande occasion, de réunir le patrimoine culturel de la Cathédrale Saint-Étienne et les artistes pour livrer aux amis de la musique une pièce de culture en direct à la maison. »
Alexander Kaimbacher assure le rôle de l'Évangéliste ainsi qu'une partie des arias de ténor. Le timbre témoigne d'une légèreté propre au type Charaktertenor, ce qui permet au chant d'explorer les intonations dramatiques avec aisance. Cette qualité compense le manque de stabilité dans le registre haut souvent chancelant, que le chanteur tente de dissimuler par la voix de tête, elle-même aussi imprégnée d'incertitude.
Tobias Wurm, chantant Jésus et une partie des arias de basse fournit un effort acharné pour assurer la clarté de la diction mais sacrifie ainsi la puissance et la précision vocale. La réponse qu'il donne à Pilate et au peuple « Mein Reich ist nicht von dieser Welt » (Mon royaume n'est pas de ce monde) est hésitante, dépourvue de son poids dramatique. Plus loin, le chant est tendu, essoufflé et la précision vocale manque. Certes, le rôle de Jésus exige un grand charisme vocal et une présence scénique imposante, mais le chanteur souffre plus de sa propre incertitude que des exigences du rôle.
Marlene Janschütz assure les arias de soprano. Le chant montre un potentiel de brillance et de la puissance vocale, malgré des manques momentanés de précision. L'aria « Zerfließe, mein Herze, in Fluten der Zähren dem Höchsten zu Ehren » (Pleure, mon cœur, en l'honneur de celui qui est le plus honorable) est adéquatement mise en valeur. Jakob Weingartner, chantant le Serviteur et une partie des arias de ténor, lutte, malgré son enthousiasme, contre l'imprécision vocale. Lea Dluhos, chantant nerveusement la jeune fille qui questionne Pierre pour savoir s'il connaît Jésus, est peu convaincue dans la diction comme dans le chant. Lara Kaya Ege se charge des arias d'alto. L'aria clé qui reproduit les derniers mots de Jésus « Es ist vollbracht » (Tout est achevé) témoigne d'une difficulté de précision vocale et de tempo dans la partie vive, mais montre néanmoins beaucoup de potentiel dans la partie lente. Constantin Müller livre l'aria de basse « Betrachte, meine Seel, mit ängstlichem Vergnügen » (Considère, mon âme, avec une réjouissance angoissée), y montrant un potentiel de finesse vocale à exploiter, malgré la diction un peu tendue. Jakob Krammer hésite dans le rôle de Pierre, mais est plus convaincant en Pilate, malgré quelques imprécisions dans le registre bas.
Le chœur, issu de l'Opernschule (École de l'opéra) de l'Opéra d'État de Vienne fait preuve d'uniformité dans ses meilleurs moments, puissants moments de collaboration entre les chœurs d'hommes et de femmes. Cependant, le chœur a tendance à écarter les émotions crues, même quand elles s'avèrent nécessaires, au profit de cette uniformité. « Wir haben ein Gesetz, und nach dem Gesetz soll er sterben » (Nous avons une loi, et selon cette loi il doit mourir), qui devrait exprimer la colère du peuple réclamant la mort de Jésus, est chanté de manière trop lisse et trop mélodieuse et perd par conséquent sa violence et son intention dramatique.
La direction musicale du Bühnenorchester (Orchestre scénique) de l'Opéra d'État de Vienne, assurée par Johannes Mertl, témoigne d'un effort remarqué pour saisir les dynamiques et maintenir l'unité organique de l'œuvre. Les contours ne sont pas assez déterminés pendant les moments de tension, mais en général, les dynamiques de la masse sonore montrent l'engagement des musiciens. Le continuo soigne des textures, notamment le sens du mouvement assuré par les contrebasses. Les vents sont solides dans le registre haut, surtout lorsqu'ils soulignent le caractère plaintif et solennel de l'abnégation de Jésus.