Sourde mais passionnée d'opéra, Ornella V. concentre les chefs-d'œuvre en 10 minutes chrono-vidéo
L'Opéra à la portée de tous assurément : montrant par le son et l'image que toutes les âmes sensibles peuvent le recevoir et le retransmettre !
Ornella nous raconte avoir découvert l'opéra lorsqu'elle était au collège sur un DVD du Barbier de Séville (interprété par Gino Quilico et Cecilia Bartoli). Mais dans un trait d'humour qui la caractérise, lui permet de prendre la vie du bon côté (et qui fait vibrer toutes ses vidéos lyriques), elle nous confie ne l'avoir alors "écouté que d'une oreille". L'Opéra est donc, précisément, tombé dans l'oreille d'une sourde et cela aura des conséquences très riches par la suite.
Bien entendu, nous avons posé à Ornella la question qui brûle les lèvres et elle nous y répond ainsi : "Je perçois la musique via mes appareils auditifs qui augmentent les fréquences avant d'arriver dans le cerveau. Ma cochlée ayant très peu de cils, je n'entends absolument rien sans mes appareils (et impossible de comprendre quelqu'un parler sans lire sur ses lèvres en réel, un film sans les sous-titres, ni la radio, le téléphone). Avec la suppléance mentale et la mémorisation par cœur, je peux faire du playback même si cela demande beaucoup de travail (souvent des semaines d'étude et en boucle)." La suppléance mentale fait partie de ces nombreuses stratégies mises en place par les personnes malentendantes, et consistant à interpréter le sens d'un propos grâce à son contexte. C'est donc toute une mécanique d'interprétation globale que cette mélomane a mise en place pour l’art lyrique (ce qui rappelle combien l'opéra est riche, grâce à ses interprétations).
Ornella savoure ainsi et aussi l'expérience de l'opéra en salle (hors période Covid), mais "surtout pour regarder les costumes, les mises en scènes et étudier en réel des passages." Elle qui a fait de la danse, des claquettes, du théâtre et du karaté rêve d'ailleurs d'être figurante, "même pour rester dans un coin sombre de l'opéra, guetter les allées et venues des artistes et m'inspirer de leurs idées. D'autant que toutes les rencontres avec les musiciens que j’ai pu faire m’ont permis d’échanger avec des gens toujours très gentils et disponibles, toujours passionnants (cela manque terriblement en temps de pandémie)."
Ornella savoure ainsi l'art lyrique, mais loin de s'arrêter là, elle le retransmet grâce à son autre passion, qu’elle poursuit depuis 15 ans : la réalisation de films. "J'ai passé le cap en janvier dernier avec un logiciel de montage gratuit et l'acquisition d'un fond vert, qui m'ont permis de disposer le nombre de personnages que je souhaite dans le décor idoine." La créatrice a ainsi déjà publié plus d'une dizaine de vidéos, mises en ligne gratuitement. Si c'est la passion et le partage qui animent ce travail généreux et si Ornella met en avant sa démarche autodidacte, "en recherche permanente", le travail est aussi impressionnant et touchant dans les objectifs que dans les réalisations. L’enjeu de ces vidéos consiste à rendre l'art lyrique accessible à tous (tous les âges et en tous lieux), à "rendre crédible tout ce petit monde et divertir les gens", mais c'est tout un processus de recherche et d'élaboration qui a été mis en place et qu'Ornella nous détaille :
"Je choisis d'abord une œuvre d'après son interprétation discographique, je l'écoute une première fois avec le livret et je sélectionne les passages les plus importants et dynamiques pour conserver le fil rouge et maintenir toute l'attention des spectateurs (même ceux qui n'ont jamais entendu parler de cette histoire). Je laisse ainsi de côté des airs, chœurs, ouvertures et ballets. C'est surtout la qualité du son qui m'importe (pas de souffle, des voix bien claires). Après, c'est l'expérience et le fait de connaître l'œuvre qui permet de bien découper sans déformer profondément le sens, et sans effrayer les auditeurs qui adorent une œuvre et un interprète (je vise une fluidité maximale entre les passages qui sont recollés, comme sans découpe).
Pour la synchronisation, l'expérience et le fait de lire sur les lèvres m'aident beaucoup. C'est comme lorsque vous regardez un film, si le son est décalé ne serait-ce que de manière infime, cela se voit, devient étrange, et fait sortir complètement de l'expérience artistique. Ce travail prend du temps (la technique aussi, il faut notamment une longue durée d'exportation sur le logiciel pour s'assurer que la qualité soit optimale), et puis il faut tout revérifier, mais mon objectif est de m'amuser et d'offrir du plaisir. Et s’il faut tout refaire, je le refais avec plaisir !" Le résultat a cette magie de l'artisanat passionné, l'esthétique du fait-maison mais recherché, avec passion et rigueur dans la comédie, via le choix des costumes, les accessoires, l'image du fond choisie selon les lieux de l'intrigue et incrustée par le système d’écran vert, les personnages superposés par enregistrement en surimpression, et bien entendu l'art du playback avec sa synchronisation labiale et des intentions dramaturgiques (d'autant que la chanteuse en playback choisit de doubler des voix parmi les plus fameuses et expressives dans l'histoire de cet art lyrique). Et pour les ensembles, Ornella se dédouble, se détriple via la magie des effets spéciaux numériques !
Cette initiative touchante et passionnante reçoit déjà des retours via les réseaux sociaux (un Fan Club numérique a même été fondé) : des commentaires qui restent principalement dans l'esprit de cette démarche créative et d’ouverture, dans l'esprit surtout des personnages mis en scène : "comme ceux que j'incarne ne se prennent pas trop au sérieux et jouent la comédie, ils amusent beaucoup et permettent de distraire les spectateurs. Les retours que j'ai montrent que les gens comprennent mon but et mon esprit : ne certainement pas commettre de blasphème vis-à-vis de la noblesse de cet art, encore moins dénigrer les œuvres, mais les faire découvrir à tout le monde. Montrer qu'on peut s'amuser et rêver immédiatement à l'opéra, et qu'on peut déjà savourer une œuvre en 10 minutes."
Le courage et l'inspiration ne manquent pas à la créatrice Ornella : "Orny Leo" (son alias sur les réseaux sociaux et youtube) a en effet partagé une capture d'écran du bureau de son ordinateur, entièrement rempli avec ses dossiers de travail. Autant de projets réjouissants à suivre sans modération et dont voici les premiers résultats publiés (nous relayerons également les prochains sur cette page).
Don Giovanni de Mozart avec Peter Mattei et Gilles Cachemaille
Idoménée de Mozart avec Leo Nucci et Luciano Pavarotti
Otello de Verdi avec Luciano Pavarotti et Leo Nucci
Les Contes d'Hoffmann (Offenbach) avec Neil Shicoff, Bryn Terfel
Macbeth de Verdi avec Piero Cappuccilli et Shirley Verrett
Carmen de Bizet avec Placido Domingo et Elena Obraztsova
Le Barbier de Séville, Rossini avec Leo Nucci et William Matteuzzi