The Wind Rose : la douce aventure aux quatre coins des mers d’Ariana Savall & Petter Johansen
Lors de leur précédent enregistrement Il viaggio d’amore, Arianna Savall, Petter Udland Johansen invitaient déjà au voyage, de la musique des pays entourant la Mer du Nord, dont est issu le chanteur norvégien, aux chants de la Méditerranée, berceau de la soprano catalane. Pour ce couple et leur ensemble Hirundo Maris – « l’hirondelle de mer » –, la mer reste une source d’inspiration inépuisable. Guidés par la rose des vents – « The Wind rose » en anglais –, leur nouveau disque entraîne leur public aux quatre coins des mers, au gré de leurs rencontres musicales : chants traditionnels des États-Unis ou de Catalogne, musiques anciennes du IXe siècle, créations ou improvisations inspirées de ce voyage fabuleux.
Malgré toutes ces différences de lieux et d’époques, l’auditeur se sent doucement emporter dans un même univers, plein de sérénité et de paix. Les vagues qui le portent sont reposantes, voire rassurantes. Si la mer se montre parfois sombre, elle n’est jamais brutale. La perte même des êtres chers, engloutis par les eaux terribles que peuvent être les aléas de la vie, est synonyme de repos. Car Arianna Savall ne peut s’empêcher de dédier Yo soy la locura (Je suis la folie) à sa mère – la chanteuse Montserrat Figueras, disparue en 2011 –, et Petter U. Johansen Sidste Reis (dernier voyage) à son père. Le chant écossais, beau et nostalgique, House Carpenter est aussi un moment pour tous de penser aux proches disparus.
Pour ceux qui ont grandi avec la mer, celle-ci se montre autant généreuse que capricieuse. Elle suscite alors émerveillement, curiosité et crainte. L’album commence alors ainsi, aux bruits des vagues des balais (baguettes particulières du percussionniste) de David Mayoral, frottant sur la peau d’un de ses instruments. De sa voix douce, dénuée de lyrisme mais empreinte de naturel et de sincérité, Petter U. Johansen chante d’abord Sea Fever, aux couleurs de musique soft country, avant qu’Arianna Savall n’interprète seule Lamento de Chinita en s’accompagnant simplement de la harpe romane, la récitation de son poème catalan n’en devenant que plus intense.
L’amour est forcément du voyage : après les quelques douces variations dansées de Carolan’s Suite, les instrumentistes laissent le hardingfele – violon traditionnel norvégien – de Petter Johansen et la triple harpe baroque d’Arianna Savall dialoguer pour qu’enfin ils unissent leurs voix dans Scarborough Fair, une chanson traditionnelle anglaise. Malgré les blessures que peuvent infliger les passions, chantées avec un juste phrasé dans Adio Querida (au revoir, mon cher), les deux amants se retrouvent et dansent joyeusement le traditionnel écossais Tha mi sgith (je suis désolé). Les danses folkloriques sont une belle occasion pour tous de partager son plaisir et son talent d’improviser, particulièrement Fosher’s hornpipe, traditionnel irlandais où l’on peut apprécier le solo jazzy du contrebassiste Miguel Ángel Cordero ou celui effréné du bodhran (percussion traditionnelle irlandaise) de David Mayoral.
Au-delà des rencontres, les longues traversées peuvent être aussi de belles occasions de se rencontrer soi-même et de rêver, et Arianna de chanter sa Canço de bressol de la mar (chanson du berceau de la mer). Chacun se met alors à chanter son pays, comme ces marins américains avec Oh, Shenandoah qui se remémorent leur Missouri, Petter Johansen n’hésitant pas à user de technologie pour créer un chœur d’hommes chantant parfois a cappella. La solitude est aussi l’admiration simple de la mer et des étoiles, qui nous guident et que l’on ne peut voir aussi belles nulle part ailleurs, Hirundo Maris faisant alors entendre un Ave Maris Stella (Salut, étoile de la mer) enchanteur.