Loïc Lachenal : « Tous ceux qui devaient travailler dans nos maisons seront indemnisés »
Loïc Lachenal, comment jugez-vous le rapport Bricaire, qui définit des préconisations de protocoles sanitaires pour le secteur du spectacle vivant ?
Les Forces musicales, que je préside, a apporté son concours au rapport, ce qui ne veut pas dire que nous sommes solidaires des conclusions. Certains les jugent trop restrictives, mais elles le sont moins que les premières pistes de travail et ont le mérite d’avoir posé ces questions en premier à un instant T. D’ailleurs, le Professeur Bricaire nous trouve déjà très précautionneux dans notre approche des musiciens, et il considère qu’à partir du moment où le gouvernement accepte comme risque maximal la réouverture des écoles et des transports, nous ne sommes pas sensés faire davantage que ce qui a été fait dans ces deux secteurs. Le champ des possibles reste donc large.
Les solutions doivent aussi venir de nous"
Le rapport ne dit pas tout. Les solutions doivent aussi venir de nous. Nous avons du temps pour approcher des solutions d’ici à une éventuelle reprise. Peut-être aussi que la situation va évoluer de telle sorte que ces questions se poseront de manière différente d’ici-là. Aujourd’hui, on ignore encore beaucoup de choses sur le virus : on va apprendre à le connaître mieux. D'ailleurs, des études provenant d’Autriche et d’Allemagne viennent poser un cadre différent et plus encourageant.
Comment imaginez-vous les mois à venir ?
Nous nous sommes mis dans la perspective de reprendre l’activité et d’inventer des formes, par des captations notamment. Quand on a des orchestres, des artistes permanents, des chœurs, des ballets, il faut entretenir la pratique collective qui fait partie du travail de fond, de l’entretien du corps. Nous devons donc reprendre, et nous préparons déjà le redémarrage des répétitions. D’autant que nous savons, en tant que services publics, ce que nous coûtons à la nation : nous avons ce devoir de travailler chevillé au corps. Les artistes nous témoignent de leur envie de retrouver le public. Notre objectif est donc de construire le cadre sanitaire qui s’impose puis de voir ce qu’on peut y faire. Nous travaillons avec des médecins du travail et d’autres professeurs sur des travaux coordonnés par le Ministère de la culture au CNPS [le Conseil national des professions du spectacle, ndlr]. Courant juin, les orchestres symphoniques pourront reprendre des activités, même si cette reprise va rester très progressive. Ce printemps va nous permettre d’expérimenter les dispositifs auxquels nous travaillons pour retrouver une activité un petit peu plus normale (mais pas encore tout à fait habituelle) à partir de la rentrée. Nous sommes donc dans une démarche très précautionneuse avec quand même la volonté de redémarrer.
Comment pensez-vous pouvoir rejouer ?
Les grands sujets liés à la reprise, sur les solistes, les chœurs, l’orchestre en fosse, l’accueil du public, restent encore des problèmes non résolus à ce stade. Pour le symphonique, nous sommes en train d’entrevoir, de trouver, d’essayer des solutions qui tournent toujours autour des gestes barrière. L’adaptation du répertoire permet de changer les programmes et de trouver une activité. L’opéra est plus compliqué : nous avons d’autres problématiques, comme les effets de masse avec les chœurs, les chanteurs qui projettent et le confinement de l’orchestre en fosse. Ceci étant, nous avons six mois avant une éventuelle reprise en novembre, soient trois fois plus que ce que l’on vient de passer en confinement : les choses peuvent évoluer. Nous avons tous en tête des solutions alternatives auxquelles nous commençons à réfléchir. Ce qui est sûr, c’est que les saisons qui ont déjà été dévoilées ne démarreront pas comme elles étaient prévues, et pour les autres, l’annonce des programmations va être décalée au mois de juin pour avoir des saisons plus stabilisées.
Le football reprend en Allemagne : est-ce une source d’inspiration ?
Bien sûr, nous nous inspirons du sport professionnel et de ce que font d’autres pays pour adapter les protocoles, comme le recours massif aux tests. Si on estime qu’on est en capacité de tester tous les artistes suffisamment régulièrement comme le monde du sport le fait, cela serait une partie de la solution. Nous y réfléchissons. Mais il est encore trop tôt car la fiabilité des tests n’est pas encore totalement avérée, il faut faire avec des temps de réponse, des périodes d’incubation, etc. Et puis cela touche une question de responsabilité des uns par rapport aux autres qui est assez complexe.
Aujourd’hui je m’interroge franchement sur la réouverture qui a été actée du parc du Puy du Fou – dont on sait qu’il rassemble un certain nombre de spectacles en plein air avec plusieurs milliers de spectateurs. Quel sens a cette réouverture et quelle est la différence avec les festivals d’été comme Aix-en-Provence ou Orange qui ont été contraints d’annuler ?
La répétition de ces tests qui nécessitent un frottement nasopharyngé assez approfondi pour être efficace ne risque-t-elle pas d’incommoder les chanteurs ?
Le processus médical intrusif qui touche à la sphère ORL du chanteur n’est pas évident. Mais si on doit en passer par là et qu’on nous garantit que cela fonctionne, tout le monde préfèrera se conformer à ce genre de désagrément pour retrouver le chemin du plateau et le public.
Le rapport Bricaire a été jugé impraticable par certains concernant l'accueil du public, qu’en pensez-vous ?
Ne rentrent dans un théâtre que des spectateurs qui ont réservé une place : nous pouvons limiter les accès. Nous souhaitons tous trouver le meilleur cadre sanitaire pour reprendre une activité avec le public dès que possible. Mais là encore, beaucoup de choses vont évoluer : tous les gestes qui nous paraissent bizarres et anxiogènes, comme les masques, seront peut-être digérés. La restriction des jauges interroge sur le modèle économique car les recettes de billetterie sont fondamentales dans l’économie de chaque projet. Nous posons ces questions aux pouvoirs publics pour que les manques-à-gagner qui seront engendrés puissent être pris en charge par un fond de relance qui devra être important. Nous ne pourrons pas tout faire : engager des projets de nouvelles créations pour se réadapter et respecter les normes, engager des frais liés à des captations et se passer d’une grande partie de nos recettes. Il va aussi falloir gérer la frustration des publics : à qui réserverions-nous le tiers de salle de disponible si la demande est importante ? Il y aurait des choix à faire qui ne seraient pas simples. Nous pouvons augmenter les séries de spectacles pour mieux servir le public, mais le nœud gordien de nos maisons reste l’utilisation du plateau et des plannings. Suivant les répertoires, il y a des temps de pause nécessaires entre les représentations pour les solistes. A l’inverse, ce virus touche à quelque chose de très intime qui est notre propre peur de la maladie, ce qui peut provoquer des réactions de méfiance. Certains spectateurs vont être impatients de revenir à l’opéra, mais la crainte de la maladie primera pour d’autres. Mais là encore, ce rapport est en partie déjà dépassé, et les pistes ouvertes par le Ministère de la Culture pour aider à la réouverture des salles sont différentes et plus pragmatiques. La question demeure celle du calendrier.
Peut-on imaginer laisser le public à sa place durant les entractes lorsqu’on ne peut pas les supprimer ?
Tout dépend de la durée globale : on peut réfléchir au temps minimal auquel on peut réduire l’entracte pour assurer du répit aux artistes en demandant au public de ne pas bouger, mais l’entracte n’est pas que récréatif, et les spectateurs auront aussi besoin de sortir, d’utiliser les toilettes. C’est alors une question d’organisation des flux afin de limiter les croisements entre les spectateurs. Mais encore une fois, dans six mois, on ne nous le demandera peut-être plus. C’est cette visibilité qui nous manque aujourd’hui et que personne ne peut nous donner.
Qu’attendez-vous exactement sur ce point ?
Je trouve que les annonces du Président ont été trop peu claires. Il a pris l’initiative de son intervention, mais elle n’apporte finalement pas les réponses dont nous avons besoin. Les théâtres allemands avaient par exemple trois scénarios possibles, dont la fameuse échéance de 18 mois de fermeture que l’Académie de médecine avait projetée. J’aurais même préféré qu’on se projette sur le scénario le pire : on met tout en place en termes de normes, de mécanismes, d’aide, de soutien, d’adaptation de manière anticipée, et si la situation évolue mieux, on allège au fur et à mesure. Nous partageons tous le même volontarisme, la même envie de reprendre, mais la situation est tellement inédite qu’elle nous empêche de travailler sur les plannings qui sont les nôtres. Quand on est sur des organisations de spectacles qui nécessitent plus de 200 personnes dans la plupart des cas, c’est complexe à manier. Nous intégrons le fait qu’il faut s’habituer à vivre avec ce virus. On ne s’en sortira que lorsqu’il y aura un vaccin, mais cela ne se produira que dans longtemps : on ne va pas attendre jusque-là. Il faut donc trouver les solutions pour protéger au maximum les gens, sachant que le risque zéro n’existe pas. Ce serait absurde de nous réclamer de l’atteindre. Le Président nous demande de réinventer notre prochaine saison, mais à l’opéra, notre programmation était déjà définie avant la pandémie, les brochures d’un certain nombre de maisons étaient déjà sous presse. La marge d’adaptation est donc minime.
De fait, à quoi la saison prochaine pourra-t-elle ressembler ?
Nous travaillons à des scénarios alternatifs, qui peuvent aller d’une adaptation du répertoire, c’est-à-dire choisir un autre titre qui conviendrait aux solistes et qui poserait moins de contrainte, ou à une adaptation de l’œuvre. Certains pensent à des versions de concert ou à des spectacles joués pour la captation. En ce qui concerne Rouen, mon premier titre de la saison ne pourra pas être joué si on doit appliquer le rapport Bricaire : je ne peux pas mettre 70 musiciens dans la fosse de l’Opéra de Rouen en les distanciant. Nous réfléchissons donc à une captation sans public. Cela pose d’autres questions, comme l’équilibre économique. Il demeure que nous devons également défendre une certaine idée de notre art : si on doit réduire les spectacles à deux chanteurs sur scène et cinq musiciens en fosse, pouvons-nous encore parler d’opéra ?
Comment avez-vous abordé la question de la rémunération des artistes pour les projets annulés ?
Je vais vous répondre en tant que Président des Forces musicales. Une fois qu’on a passé les quelques jours qui ont suivi le début du confinement, avec une forme d’abattement pour beaucoup d’entre nous (même si bien sûr nous sommes conscients que des gens souffraient et se battaient au même moment contre la maladie), nous avons collectivement décidé de ne pas utiliser sans discernement la clause de force majeure, qui nous aurait permis de ne pas honorer nos contrats. Nous avions conscience que cela aurait ajouté une crise sociale à la crise sanitaire. Et puis nous sommes une industrie de main-d’œuvre : nous devons préserver le talent de notre main-d’œuvre qui est notamment constituée des artistes. Nous ne ferons rien sans les artistes et nous avons intérêt à les protéger malgré la situation.
Nous avons été guidés par la volonté que chacun soit payé ou indemnisé pour son travail. C’était l’élément fondamental. Une réponse nous a été ouverte par la possibilité d’un recours au chômage partiel pour les intermittents. Cela reste encore très compliqué car des conditions ont été posées dernièrement qui pourraient exclure une grande partie du spectacle vivant. Ce serait idiot puisque le modèle économique est le même malgré des différences de statuts juridiques. Et cela n’a pas de sens car se sont des salariés qui cotisent socialement : ce recours au chômage partiel, comme au chômage, est un droit qu’ils ont. Par ailleurs, le fait que tous les théâtres ne puissent pas y avoir recours risque de faire voler en éclat la solidarité professionnelle que nous avons construite. L’Opéra de Rouen, qui est un EPCC [Établissement public de coopération culturelle, ndlr], fait partie des cas qui pourraient être retirés du dispositif. Si je ne devais pas en bénéficier, cela génèrerait aussitôt un déficit de 900 K€.
Finalement, de quelle politique de rémunération avez-vous convenu ?
Le syndicat professionnel des Forces musicales a joué un rôle de fédérateur à ce moment-là, et nous avons pu trouver un grand nombre de solutions en vertu des dispositifs mobilisés : le chômage partiel et l’extension de la période de neutralisation pour les intermittents. Il convient toutefois encore d’expertiser cette dernière car ses contours en sont encore flous : c’est un sujet très technique et complexe donc il faut être très mesuré et prudent sur son impact. Nous avons voulu permettre à ceux qui avaient été engagés de continuer à faire tourner leur compteur horaire et générer des droits au chômage partiel. Pour les techniciens du spectacle, qui sont souvent engagés 1 à 1,5 mois avant le spectacle et qui n’étaient pas forcément identifiés nommément, il était vraiment important que l’intermittence puisse jouer pour les protéger également. Certains ont envisagé des reports, ce qui est compliqué dans nos secteurs car les programmations se font deux ans à l’avance, à part pour les concerts qui peuvent être reprogrammés à plus court terme. C’est une moindre solution quand le report est lointain car c’est tout de même un manque à gagner pour l’artiste sur la période initiale. Finalement, nous sommes en mesure de dire que tous ceux qui devaient travailler dans nos maisons seront indemnisés et accompagnés.
Les pratiques sont-elles uniformes, ou est-ce du cas par cas ?
S’agissant des solistes, ce ne peut être que du cas par cas. C’est la seule solution pour répondre au mieux aux besoins des artistes eux-mêmes. Si l’artiste a besoin d’heures pour alimenter ses droits, alors il fallait le faire rentrer dans le dispositif de chômage partiel car nous savons maintenant que les indemnisations peuvent générer des heures. Si c’est un chanteur plus abouti dans sa carrière, qui ne dépend pas du régime d’assurance chômage, nous avons pratiqué un simple dédit financier comme nous avons l’habitude de les pratiquer.
Dans ces derniers cas, comment les artistes ont-ils été indemnisés ?
Certaines productions étaient en cours ou étaient sur le point d’être jouées ou déjà en grande partie répétées. Dans ce cas, nous avons fait des clés de répartition entre le temps passé au travail et les représentations manquantes. Le raisonnement a été différent pour les productions qui n’ont pas eu lieu et qui n’auront pas lieu. Nous avons aussi pris en compte d’autres critères qui dépendent des maisons, comme la durée et le nombre de représentations, et donc la rémunération globale, car traditionnellement les artistes sont payés à la représentation. Bien sûr, peuvent aussi jouer un éventuel report, ou des liens de fidélité entre l’artiste et le théâtre qui peuvent permettre de se projeter dans le temps différemment. Nous avons enfin essayé de prendre en compte l’activité globale de l’artiste : si un chanteur n’avait que deux productions dans l’année, ce n’est pas pareil que s’il en avait plus. Arriver à trouver des solutions pour tout le monde avec les contextes législatif et réglementaire qui se déjugeaient de semaine en semaine a obligé à refaire trois fois les paies du mois de mars, en adaptant à chaque fois les logiciels de comptabilité. Nous ne pouvions pas faire autrement car ces mécanismes que nous utilisons à présent se sont mis en place très progressivement.
Quelle proportion des cachets aura été versée ?
« Les plus petits cachets ont reçu la quasi-intégralité des sommes prévues »
On ne peut pas donner de chiffre car c’est trop variable. Par exemple, les artistes du rang dans les chœurs ou les supplémentaires des orchestres, ainsi que les plus petits cachets ont reçu la quasi-intégralité des sommes prévues : tout le monde a cherché à protéger les plus fragiles en priorité. Evidemment, s’agissant des plus gros cachets, il y a une part de renégociation, ce qui est normal car nous devons gérer cette crise de manière collective et éthique : tout le monde y perd et les mécanismes mis en œuvre mobilisent des deniers publics. Nous n’avons pas toujours cherché à maintenir le niveau de vie, mais plutôt à trouver la juste indemnisation pour un travail qui n’a malheureusement pas pu être exécuté. Ici, il y a par exemple une grande différence entre un artiste qui a deux jours de répétition avant un concert et un autre qui a six semaines de répétition avant une production scénique. De même, les séries peuvent être très différentes : certains opéras n’ont que deux représentations quand d’autres peuvent aller jusqu'à neuf dates. Si un artiste devait gagner plusieurs dizaines de milliers d’euros pour deux mois de travail, une indemnité de 30% peut rester honorable, alors que pour l’artiste qui devait gagner 6.000 euros sur l’une de ses seules productions de l’année, le même ratio serait problématique.
Les maisons françaises ont été les premières à s’engager à indemniser tous les artistes"
Certains pourront trouver insuffisant ce que nous avons fait, mais les maisons françaises ont été les premières à s’harmoniser et à s’engager à indemniser tous les artistes. Ce n’est pas le cas de l’Allemagne ou de l’Angleterre. En Allemagne, les artistes en troupe ont eu leur salaire maintenu, mais les freelance n’ont pas été payés. De plus, en France, les artistes sont salariés et bénéficient donc d’une protection sociale, ce qui n’est pas le cas là-bas.
Qu’avez-vous pensé de la déclaration de Stéphane Lissner à France Inter sur les perspectives de l’Opéra de Paris ?
Il y a d’abord un impact pédagogique : cette grande maison montre à quel point elle est fragile. Il a raison de rappeler quelle s’autofinance à 60%. Bien qu’elle reçoive la plus grosse subvention du Ministère de la culture, la maison est extrêmement dépendante de son activité : Stéphane Lissner décrit d’ailleurs très bien l’importance de la billetterie et du mécénat, qui crée des obligations dans la programmation. Sa déclaration a toutefois l’effet d’une déflagration : elle jette une inquiétude sur l’avenir. Finalement, les grandes maisons de répertoire en Allemagne ont une capacité d’adaptation bien plus grande car elles disposent des chanteurs dans leur troupe et de la possibilité de puiser dans leur répertoire de productions. Ils ont les décors, les costumes, les dramaturges et les chanteurs dans la maison : ils peuvent certainement redémarrer en peu de temps. En région, nous pouvons trouver des solutions pour nous adapter (nos financements sont différents comme notre dépendance à un certain niveau de billetterie), mais l’Opéra de Paris a moins cette possibilité de par ce qu’il représente, de par le niveau auquel on s’attend quand on va à l’Opéra de Paris, mais aussi de par la situation dégradée dans laquelle il a abordé cette crise du fait des grèves.
J’entends également une inquiétude sur l’avenir car se projeter sur plusieurs années sans savoir si le public, et notamment le public international, sera là, sans savoir si on pourra bénéficier du mécénat, c’est compliqué. Je trouve un crédit à cette déclaration : c’est le discours d’un homme libre, d’un directeur qui aime sa maison et veut la protéger. Sa menace de ne pas jouer est une manière de dire qu’on a été au bout du système et que l’Opéra de Paris mérite mieux que ça. Il a raison de dire qu’il faut changer de modèle.
Quelles sont les perspectives pour les autres maisons d’opéra ?
Nous dépendons également beaucoup du mécénat, dont on ne sait pas s’il va se maintenir dans un contexte économique dégradé. De même, notre financement vient principalement des collectivités territoriales, dont les ressources vont baisser de 15 milliards d’ici 2021 : forcément, on s’inquiète. Ce qui est intéressant, c’est qu’on se pose aujourd’hui les bonnes questions. Qu’est-ce qui est important dans la rémunération d’un chanteur ? Cette règle de la rémunération à la représentation ne fonctionne pas dans une telle crise : nous ne sommes pas armés pour dire ce qui fait la rémunération de l’artiste sur un contrat, et ce qui est dû si le contrat ne va pas au bout. Il faudra que nous remettions ce sujet sur la table. Il y a en France un effet mécanique qui part de la baisse des subventions et donc des moyens : le volume d’emplois a diminué également, et le nombre de nouvelles productions s’est restreint.
On nous dit de réinventer notre modèle économique, mais quel est-il ? C’est celui du service public. C’est celui du meilleur accès à la culture et à la musique la plus qualitative et pour le plus grand nombre. C’est le même modèle économique que celui de l’école publique, de l’hôpital public. Il faut défendre ce modèle. A titre d’exemple, les théâtres allemands, qui jouent une centaine de représentations par an, ont la meilleure efficience pour un euro de subvention investi. Mais un opéra de deuxième rang y a au moins 35 millions d'euros de budget : seules trois maisons ont un tel budget en France. Il faudra donc augmenter les subventions accordées à l’opéra.
Retrouvez notre grand Dossier sur les rémunérations des artistes en ces temps de crise, ainsi que nos précédentes interviews :
avec le Directeur de La Monnaie à Bruxelles -Peter de Caluwe-,
de l'Opéra Royal de Wallonie à Liège -Stefano Mazzonis di Pralafera,
de Château de Versailles Spectacles -Laurent Brunner-,
de la Philharmonie de Paris -Laurent Bayle,
de l'Opéra Comique -Olivier Mantei,
de l'agent René Massis