Covid-19 : comment la reprise du football peut inspirer l’opéra
Dans l’interview qu’il nous a accordée, Peter de Caluwe, le Directeur de La Monnaie de Bruxelles, estimait comme tous les autres acteurs du milieu lyrique que l’opéra serait l’un des derniers secteurs à pouvoir repartir. Un autre est pourtant soumis à des contraintes proches par bien des aspects : le sport professionnel et en particulier le football. Les enjeux financiers étant démesurés dans ce domaine, les dirigeants de tous les pays s’activent pour trouver des solutions sanitaires. Déjà, l’Allemagne a initié sa reprise : des matchs pourraient avoir lieu dès ce samedi 16 mai. Pour cela, un protocole sanitaire strict a été décrit dans un document de 51 pages. Quelques points pourraient inspirer les décideurs de l’opéra, au premier rang desquels le Ministère de la Culture en France, qui se trouve sous le feu des critiques de la quasi-unanimité des acteurs que nous contactons, pour son inaction et l’absence de visibilité donnée aux institutions.
De fait, l’impossibilité de respecter la distanciation sociale s’applique aussi bien aux joueurs de football qu’aux artistes d’opéra (les vents de l’orchestre, les chœurs, les solistes). La réponse apportée par nos voisins allemands consiste en premier lieu à tester massivement les acteurs du jeu, deux fois par semaine au minimum, ainsi que la veille de chaque match, toute personne déclarée positive étant placée en quarantaine. Dans leur vie privée, il est demandé aux joueurs (et aux membres de leur foyer) de respecter un strict confinement. En déplacement, les clubs doivent réserver l’hôtel entier, ou a minima un étage entier, afin de garantir l’isolement de l’équipe. En France, le Ministère de la Santé, contacté par nos soins, affirme certes qu’il « n’y a pas d’indication de faire des tests répétés chez des personnes non malades ou non contact de personnes malades." et que "Pour le moment, la doctrine sur les tests n’est pas amenée à évoluer », mais tout est dans le « Pour le moment » : d’ici septembre, selon l’évolution de la pandémie et des capacités de tests, une telle mesure pourra sans doute être envisagée si elle permet de sauver un secteur essentiel par son impact économique, social et culturel. Quant au quasi-confinement qui serait imposé aux artistes, il serait acceptable pour des personnes vivant déjà souvent loin de chez eux, s’il leur permet de reprendre le chemin de la scène et d’une pratique artistique d’ensemble.
En Allemagne, les matches seront joués à huis clos, le public ne pouvant pour l’instant bien sûr pas se masser en nombre dans un endroit confiné. Plusieurs institutions lyriques réfléchissent de même à jouer leurs spectacles sans spectateurs, de manière à présenter des productions qui ne pourraient être jouées autrement. Dans les stades allemands, seront seuls admis dans les gradins un nombre limité de journalistes de presse écrite, ainsi que les équipes de télévision. En tout et pour tout, 300 personnes au maximum pourront avoir accès au stade. Bien sûr, si les droits TV colossaux peuvent assurer aux acteurs du football un équilibre économique en jouant à huis clos, l’exercice ne peut être qu’exceptionnel à l’opéra tant les coûts de création et de représentation excèderaient dans ce cas les recettes d’une diffusion audiovisuelle.
Une chose est déjà certaine : l’art vivant ne reprendra pas ou presque d’ici au mois de septembre (le Festival Berlioz de la Côte Saint-André, devant se tenir en août, vient ainsi d’annoncer son annulation). Cela laisse quatre mois (cinq même, pour la plupart des maisons de région qui reprennent traditionnellement en octobre) aux acteurs du secteur pour se préparer, trouver les solutions sanitaires et éventuellement modifier leur programmation. Le pari peut être tenu (si l’évolution de l’épidémie le permet), mais il n’y a pas de temps à perdre !
Retrouvez notre grand Dossier sur les rémunérations des artistes en ces temps de crise, ainsi que nos précédentes interviews :
avec le Directeur de la Philharmonie de Paris -Laurent Bayle,
de l'Opéra Comique -Olivier Mantei,
de Château de Versailles Spectacles -Laurent Brunner,
de l'Opéra de Rouen -Loïc Lachenal,
de La Monnaie à Bruxelles -Peter de Caluwe,
de l'Opéra Royal de Wallonie à Liège -Stefano Mazzonis di Pralafera,
de l'agent René Massis