De derrière le rideau : Une chemise comme un drapeau blanc !
Comme la voile d’un dériveur sur une mer agitée, vole au vent une chemise ! Celle, déchirée, du Directeur des Ressources Humaines d’une grande Compagnie connue dans le monde entier. Dans le cadre de cette chronique, je pourrais presque dire : « Mon royaume pour une chemise ! ». En l'occurrence, le ciel est son royaume ! Je ne connais pas l’ordre du jour de cette réunion au Siège de la compagnie, mais quel qu’il soit, la discussion, le dialogue, l’écoute, la courtoisie, auraient du en présider le climat. Chacun peut et doit y être dans son rôle : les élus, d’un côté, représentent l’ensemble de ceux qui les ont mandatés pour prendre cette responsabilité, et la Direction, de l’autre, vient exposer sa vision d’un certain nombre de problèmes, et ses propositions de résolutions. Je ne fais pas d’angélisme et mesure parfaitement le degré de tension ambiant lorsque des mesures très dures doivent être discutées, mesures qui peuvent faire changer radicalement, et pas en bien, la vie d’un nombre important de personnes. Mais s’en prendre à l’intégrité physique de ceux qui sont précisément chargés du dialogue dit social, déconsidère des décennies de travail de celles et ceux qui ont essayé de construire ensemble des relations, même si celles-ci sont souvent tendues. On a toujours le droit de ne pas être d’accord, mais pas celui de « défoncer » celui qui n’a pas la même opinion que vous. Surtout dans un cadre négocié par ceux-là même qui sont partie prenante. Et compte tenu des moyens techniques de chacun aujourd’hui, l’un enregistre, l’autre filme ou photographie la scène, et c’est le monde entier à qui l’on inflige cette punition de voir des hommes, mais aussi une grande entreprise, des fonctions de direction et même tout un pays mis à mal par quelques excités irresponsables. Une chemise déchirée, un grillage franchi en urgence et tout est à refaire !
Agitons donc cette chemise comme un drapeau blanc et recherchons la paix. De quelque côté de la table de négociation que nous soyons, argumentons et écoutons, c’est le sens de ce dialogue social si difficile à mettre en scène mais qui est à la base de toute prise de responsabilités des uns et des autres. Dans la plupart des opéras, les rivalités, la haine, le mensonge, la trahison et à la fin la violence, sont au menu et nous trouvons cela magnifique. Et nous payons pour en être spectateurs et nous avons raison ! Mais sur les scènes du monde entier, les coups de ballet ont une orthographe bien particulière, même si les livrets ne nous épargnent pas toujours. Par ailleurs, le passage à l’acte est soumis à la contrainte des actes : le temps permet aux esprits de se pacifier et à la musique d’adoucir les mœurs. Invitons dons tous les protagonistes de négociations complexes, tendues, voire parfois explosives, à écouter en début de réunion un air d’opéra pour se mettre en situation : les airs ne manquent pas pour se mettre la tête dans les nuages. Vous me direz, mais qui, autour de la table, va choisir cet air du jour ? Et c’est reparti ! Ce qui est sûr, c’est que lorsqu’on arrache la chemise d’un adversaire, c’est qu’on est trop petit pour le costume que l’on veut porter !
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