De derrière le rideau : Migrants ou réfugiés ?
Les mots ont parfois leur importance, et les juristes s’en emparent souvent avec appétit avant que les linguistes aient pu simplement leur donner un sens, pas forcément unique, et une interprétation travaillée à plusieurs voix. Le monde et particulièrement l’Europe sont secoués par une vague, que dis-je une déferlante, d’hommes, de femmes et d’enfants, qui, au péril de leur vie, tentent de rejoindre nos contrées supposées plus hospitalières que celles, plus orientales, qui ne veulent plus d’eux. Kris Defoort dans son opéra contemporain Daral Shaga, à voir absolument pour comprendre, décrit cet enfer de la peur, de l’épuisement et finalement bien souvent de la désillusion une fois arrivés à destination. Leurs maux aussi sont importants et ne s’arrêtent pas aux frontières des pays qu’ils quittent. Et l’Europe de s’organiser pour proposer ou imposer à ses États membres des quotas d’êtres humains fuyant leurs pays devenus par trop dangereux. Louable intention ! Nous avions connu les quotas laitiers, nous voilà maintenant face à des quotas de migrants, des quotas de réfugiés. Oui parfois les mots ont leur importance !
France, terre d’asile, où t’en es-tu allée ? Le refuge et la migration sont devenus un problème qu’il faut régler comme la sur ou sous-production d’un bien comme un autre. Dans le cadre des négociations commerciales avec les États-Unis nous avons réussi à exclure de la discussion les biens culturels au fait que ce ne sont pas des biens ou produits comme les autres. Et nous avons tous applaudi. Pourtant, aujourd'hui, que l’afflux de familles vers nos régions fasse l’objet de négociations sordides et d’application de quotas ne propulse pas nos concitoyens dans la rue ! Point de files d’attentes pour accueillir ces malheureux. Bien sûr nos gouvernants s’activent et nombre d’ONG et d’associations diverses et variées travaillent d’arrache-pied pour trouver des solutions. Mais il ne faudrait pas que de sombres raisons poussent certains à choisir d’accueillir celui-ci plutôt que celui-là pour la simple raison que son origine ethnique ou sa religion nous déplait.
Il n’est sûrement pas en mon pouvoir de faire qu’un esprit meilleur préside à l’accueil de ces populations. Mais les mots ont parfois leur importance ! Et si, nous, les amoureux de l’art lyrique, nous proposions d’inviter ceux qui ont obtenu le fameux viatique pour s’installer dans notre beau pays, à une grande soirée lyrique, où quelques unes de nos grandes voix, de nos grands musiciens et de nos célèbres chefs d’orchestres offriraient un peu de leur talent. Ce serait à la fois si peu et tant ! On ne serait pas obligé de leur présenter le chœur des esclaves du Nabucco de Verdi ou l’Enlèvement au sérail du toujours aussi moderne Mozart ! Quoique ce dernier nous offre un bel éloge du pardon de la part du terrible Pacha, qui pourrait donner des idées bien venues à certains de ceux qui ont poussé tous ces gens innocents hors des frontières qui les ont vus naître. La Grande Duchesse de Gerolstein du génial Offenbach leur donnerait, en revanche, une autre idée moins traumatisante de la guerre et la Vie Parisienne leur mettrait en tête des airs qui leur feraient à coup sûr oublier le sifflement des balles, le hurlement des hommes et le grondement du canon. Est-ce encore un de ces rêves dont j’essaie de faire mon ordinaire ? Pas sûr, car les plus grandes idées, les plus grands projets, les actions les plus improbables voire a priori impossible, sont nés du rêve et de l’imagination de quelques uns. L’utopie, au départ, était une ile imaginée au 16ème siècle par Thomas More pour décrire la Cité idéale. Et si la France devenait cette ile ?
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