Stefano Pace : « Une fréquentation supérieure à l’avant-Covid »
Stefano Pace, quel bilan tirez-vous de la saison en cours ?
Le bilan est très positif. D’un point de vue artistique, nous avons été capables de présenter à notre public des artistes de très haut niveau, qu’il s’agisse des chanteurs, des directions musicales (Giampaolo Bisanti, mais aussi tous les autres) et des metteurs en scène. Les réactions du public ont été très bonnes et nous avons joué à guichet fermé même pour des productions avec des titres moins connus, comme Rusalka qui n’avait jamais été donné ici. Au final, notre niveau de fréquentation est revenu à des niveaux supérieurs à l’avant-Covid.
La saison prochaine, vous proposerez sept nouvelles productions et une nouvelle coproduction sur les huit spectacles lyriques présentés dans la saison principale. Il n’y a donc aucune reprise. Est-ce un signe de bonne santé financière ?
Nous allons en effet faire un gros effort, d’autant que les décors de la coproduction, La Périchole, ont été construits chez nous, et qu’il faut ajouter un ballet et des concerts aux productions lyriques. Produire des nouvelles productions est très important pour notre équilibre budgétaire car le Tax shelter nous donne alors accès à des financements que nous n’avons pas lorsque nous jouons une reprise. Cela nous permet par ailleurs de représenter des opéras qui n’ont jamais été donnés, ou qui ne l’ont plus été depuis une génération. D’autres œuvres majeures doivent être représentées de manière régulière car elles attirent de nouvelles générations de public : en proposer une nouvelle production permet de maintenir l’intérêt du public, comme cela a été le cas cette saison avec Le Barbier de Séville. C’est dans cette optique que nous ouvrirons la saison prochaine avec La Traviata. Pour autant, les productions passées ont tout de même une vie : nous pouvons les louer ou les vendre. Nous avons également une politique très forte de récupération d’éléments de décors, qui sont réemployés dans de nouvelles productions. Ce n’est pas forcément un gain économique (cela coûte souvent plus cher que de construire des éléments neufs) mais cela fait partie de notre politique écoresponsable.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la création contemporaine que vous annonciez l’an dernier pour la saison 2025/2026 ?
Préparer de manière méticuleuse une nouvelle commande prend du temps : au moins trois ans. Même en m’y attelant dès ma prise de fonction, il n’était donc pas possible de proposer cette création plus rapidement. J’ai décidé de la confier au compositeur belge Benoît Mernier : il s’agit de Bartleby, d’après la nouvelle d’Herman Melville Bartleby, the scrivener. Elle sera donnée en diptyque avec un autre opus. J’ai choisi de l’annoncer de manière anticipée pour montrer que c’est un processus qui prend du temps.
Votre Directeur musical Giampaolo Bisanti poursuivra sur son rythme et dirigera trois opéras dans trois langues différentes (Traviata, Tristan et Isolde et Werther), ainsi que la version concertante de La Damnation de Faust et deux concerts. Il a été nommé pour 5 ans (donc jusqu’en 2027) : quels objectifs lui fixez-vous pour la suite de son mandat ?
Nous avons fixé ensemble ses objectifs. Il s’agit principalement de porter notre orchestre à un niveau de plus en plus élevé d’un point de vue artistique, ce qui est en cours : nous avons des retours extrêmement positifs du public comme des professionnels. Nous travaillons de manière coordonnée, en symbiose, à la fois sur le choix des titres et des artistes. Giampaolo est un vrai Directeur musical. Il ne se contente pas de diriger quelques productions et de faire des apparitions de prestige. Il est très présent pour tous les concours de recrutement de l’orchestre ou du chœur et n’hésite pas par exemple à se lever à quatre heures du matin pour faire l’aller-retour entre deux concerts en Allemagne. En effet, il dirigera dans trois répertoires différents : je considère qu’un grand chef ne doit pas être cantonné au répertoire de sa langue maternelle. La musique est un langage universel, d’autant plus que Giampaolo Bisanti parle très bien allemand et dirige régulièrement en Allemagne et à Vienne.
Vous ouvrirez donc votre saison en septembre avec La Traviata, l’opéra populaire par excellence, dans une mise en scène de Thaddeus Strassberger : pourquoi lui avoir confié ce projet ?
Je l’ai connu lorsque je travaillais à Covent Garden. Depuis, je suis sa carrière et les productions qu’il a créées. Nous avions déjà essayé de travailler ensemble par le passé. Pour La Traviata, je voulais une mise en scène flamboyante, qui soit un grand spectacle. Je ne voulais pas d’un travail d’introspection ou d’autoflagellation que j’ai trop vu dernièrement. Nous ferons un clin d’œil à la création vénitienne de cet opéra : lorsque le public entrera dans le théâtre, le spectacle aura déjà commencé. Le spectateur sera immergé dans la fête de Flora. Il y aura déjà de la musique : ce sera une ouverture de saison festive. La Traviata est le premier opéra qu’un néophyte devrait voir. D’après ce que j’ai déjà pu en voir, le public devrait être emporté par l’émerveillement pour que le contraste soit le plus saisissant et émouvant possible lorsque Violetta tombe dans le final. J’espère voir le public sortir les larmes aux yeux.
Je me souviens du maquillage qui coulait sur les joues de ma fille tant elle était émue lorsque je l’ai emmenée voir cette œuvre au Palais Garnier lorsqu’elle avait 13 ans. Pour ma part, je peux me réveiller tous les matins avec l’ouverture de La Traviata dans les oreilles. L’histoire peut correspondre à tous les âges.
Le couple central sera incarné par Irina Lungu, qui fera ses débuts dans la maison, et Dmitry Korchak : qu’attendez-vous d’eux ?
Irina Lungu est une formidable artiste, que j’apprécie beaucoup. Elle formera avec Dmitry Korchak un duo très solide. Le public retrouvera également en Germont Simone Piazzola qu’il connait bien. La distribution sera notamment complétée d’artistes belges comme Aurore Daubrun en Flora, Marion Bauwens en Annina, Pierre Doyen en Baron Douphol ou Samuel Namotte en d’Obigny.
En octobre, vous présenterez Kát’a Kabanová de Janáček dans une nouvelle production d’Aurore Fattier : qui est-elle et pourquoi l’avoir choisie ?
Je suis le premier spectateur de mon théâtre : la musique de Kát’a Kabanová est fabuleuse et son histoire me touche beaucoup. Bien au-delà du chant, cette œuvre nécessite un travail très délicat autour du personnage principal. Je veux faire (re)découvrir au public ce répertoire très important. Alors que je réfléchissais à ce que je pouvais faire avec cette œuvre, je suis allé voir au Théâtre de Liège Hedda, une création écrite et mise en scène par Aurore Fattier. Or, c’est souvent la rencontre avec un metteur en scène qui me décide à programmer une œuvre qui lui correspond, et non l’inverse. La manière dont Aurore Fattier avait conçu son spectacle m’a fait penser qu’elle était tout à fait capable de monter un opéra et que cet opus lui correspondrait bien. Elle ne connaissait pas l’œuvre : je lui en ai fourni plusieurs versions, et elle a très vite accepté.
Pouvez-vous nous présenter le chef Michael Güttler qui dirigera cette production ?
C’est un chef important, très bon sur ce répertoire et qui n’a jamais dirigé ici. J’ai la chance d’avoir en Giampaolo Bisanti un Directeur musical qui ne souffre pas d’un complexe de confrontation avec de grandes personnalités, au contraire. Nous voulons faire découvrir des chefs pas forcément très connus, mais qui surprendront positivement le public : nous aurons ainsi dans le futur de grands noms à la baguette et Michael Güttler est à ce niveau d’exigence.
Comment présenteriez-vous la distribution ?
Kát’a sera chantée par Anush Hovhannisyan, que j’ai elle aussi rencontrée il y a quelques années à Covent Garden. Elle a depuis construit une belle carrière, interprétant des rôles de plus en plus difficiles, jusqu’à celui de Kát’a. C’est une artiste à découvrir pour le public liégeois. La Kabanicha sera interprétée par Nino Surguladze que notre public connait bien et qui sera absolument fantastique à la fois par son caractère et par sa voix. Jana Kurucová sera Varvara et Anton Rositskiy, que l’on connait très bien à Liège, chantera Boris. Il y a trois ténors à distribuer dans cette œuvre, et je ne veux pas avoir un grand ténor et deux moyens : ils doivent tous être à un niveau surprenant. C’est un répertoire très particulier sur lequel il est difficile d’avoir des noms ronflants, mais les chanteurs que nous distribuons sont de grands chanteurs dans ce répertoire et pour leurs rôles respectifs.
Votre public découvrira pour les fêtes la production de Laurent Pelly de La Périchole d’Offenbach déjà créée au TCE : qu’en aviez-vous pensé ?
C’est du pur Pelly, un homme de spectacle, de comédie, intelligent. C’est un spectacle amusant et frais. Le projet était déjà en discussion lorsque je suis arrivé : j’ai décidé de confirmer notre participation car je ne pouvais pas manquer une nouvelle production de Laurent Pelly, même si j’aurais préféré que la création se fasse chez nous. C’est un spectacle qui est déjà rodé, mais Laurent Pelly devrait tout de même venir diriger les répétitions sur une courte période.
La distribution changera en partie par rapport aux précédentes étapes de la tournée de cette production : comment l’avez-vous conçue ?
Antoinette Dennefeld en Périchole a déjà fait la tournée. Nous avons voulu donner à la production un visage un peu plus belge. C’est pourquoi nous aurons Pierre Derhet en Piquillo, Lionel Lhote [qui jouait Hinoyosa au TCE, ndlr] en Vice-Roi, Ivan Thirion en Hinoyosa, Julie Mossay en Guadalena et Manuelita, Julie Bailly en Frasquinella et Maxime Melnik en Premier notaire. J’ai confié la direction à Clelia Cafiero, une jeune femme qui a beaucoup de talent. Elle a par exemple dirigé Carmen à Orange et a su très bien gérer cette partition extrêmement compliquée avec ce très grand plateau en plein air.
Un Tristan et Isolde est toujours un évènement marquant dans une saison : comment préparez-vous la production qui sera présentée en janvier 2025 ?
C’est une production qui mobilise pleinement la maison, mais ce n’est pas la plus difficile pour autant. Je n’en suis pas à mon premier Tristan et Isolde : j’ai déjà travaillé sur cinq productions de l’œuvre. C’est un opéra que j’adore. Je voulais réintroduire le répertoire wagnérien à Liège et cela me semblait la meilleure manière de le faire. Beaucoup ici craignent la comparaison avec les productions allemandes : je suis pour ma part convaincu que nous pouvons faire Wagner encore mieux que les Allemands, y compris musicalement. Nous avons un public allemand très important, qui apprécie la qualité de nos productions. Finalement, c’est après avoir discuté avec Jean-Claude Berutti que j’ai décidé de le monter, parce que j’ai été séduit par son idée de mise en scène. Je veux montrer, avec cette proposition, que nous pouvons faire un Wagner beau, élégant, qui a du sens et musicalement de très haut niveau. J’attends beaucoup de l’esthétique de ce projet.
Quels interprètes avez-vous choisis ?
Il n’est jamais facile de faire une distribution pour Wagner. Le rôle de Tristan est très lourd, comme un Marathon vocal. Nous avons engagé Michael Weinius dans ce rôle et Lianna Haroutounian en Isolde. Violeta Urmana, une très grande artiste qui a déjà chanté chez nous y compris récemment, complètera ce trio principal, qui s’annonce très équilibré et de grande qualité. La distribution sera complétée d’Evgeny Stavinsky en Roi Marke, Birger Radde en Kurwenal tandis qu’en Melot, nous aurons Alexander Marev, un habitué de notre plateau, qui est un jeune chanteur que nous avons décidé de suivre et d’accompagner dans sa carrière dans les années à venir.
L’an dernier, vous aviez annoncé la programmation à venir d’un Grétry : c’est pourtant bien le Guillaume Tell de Rossini qui sera présenté cette saison. Verra-t-on la version de Grétry chez vous un jour ?
Je me suis dit avec beaucoup d’enthousiasme qu’il fallait que l’Opéra Royal de Wallonie-Liège joue du Grétry, dont la statue campe devant le théâtre. Mais j’ai écouté et vu beaucoup de Grétry et j’ai eu beaucoup de mal à trouver un titre qui puisse faire une soirée entière : la plupart d’entre eux doivent être présentés en diptyque. Or, nous avons déjà des diptyques prévus dans les deux prochaines saisons (la création de Benoît Mernier et une association des plus typiques, dans le répertoire français). La réflexion reste en cours. J’ai notamment beaucoup étudié Raoul Barbe-Bleue mais je n’ai pas encore trouvé à quelle œuvre l’associer. Nous ferons peut-être un diptyque avec l’un de ses contemporains qui a aussi fait fortune ailleurs que dans sa ville d’origine : le compositeur espagnol Vicente Martín y Soler pourrait correspondre. Il a composé une cinquantaine d’opéras dont aucun ne dépasse 1h10. Ce qui est certain en revanche, c’est que nous jouerons un opéra jeune public composé par la fille de Grétry : Le Mariage d’Antonio.
Vous rassemblerez Nicola Alaimo dans le rôle-titre, John Osborn en Arnold et Salome Jicia en Mathilde : comment avez-vous travaillé votre distribution ?
En l’occurrence, la décision s’est faite dans l’autre sens : nous avons décidé de jouer ce titre parce que nous pouvions réunir ces artistes. Quand un tel trio est disponible au même moment, construire une distribution est facile, car tout le monde veut venir chanter les autres rôles avec eux. En plus, Stefano Montanari était aussi disponible pour diriger. Nous aurons également Inho Jeong en Gessler, qui a chanté chez nous dans Idoménée et Pelléas et Mélisande. C’est un jeune chanteur qui m’avait impressionné au concours de Monte-Carlo et qui fera certainement une très belle carrière. Dans le rôle de Jemmy, nous aurons Elena Galitskaya qui a été Fiorilla chez nous : nous avons voulu aligner les meilleures voix possibles y compris dans les rôles plus petits. Désormais, quand Liège appelle, même les plus grands artistes sont à l’écoute.
Dans quelle langue donnerez-vous Guillaume Tell ?
Ce sera la version française. C’est un Grand Opéra en cinq actes avec ballet : c’est une œuvre qu’il faut faire en français. C’est d’ailleurs la version la plus intéressante.
Vous poursuivez à cette occasion la collaboration avec Jean-Louis Grinda, qui connaît bien la maison pour l’avoir dirigée de 1996 à 2007. Il a déjà mis cet opus en scène à Monte-Carlo et Orange : s’agira-t-il de la même production ?
Ce sera une toute nouvelle production avec de nouveaux décors et de nouveaux costumes, même si l’équipe sera la même que pour sa première production. C’est une œuvre qu’il aime beaucoup. Ce sera réellement un grand opéra, qui sollicitera beaucoup la maison : nous mobiliserons les grands chœurs (alors que Tristan n’utilise qu’un chœur d’hommes), l’orchestre et un ballet en plus des ateliers.
En mars, vous proposerez une version concertante de La Damnation de Faust, avec Vittorio Grigolo, Erwin Schrott et Julie Boulianne : pourquoi ce choix de programmation ?
Les récitals de chanteurs intéressent moins le public aujourd’hui. Seules les très grandes vedettes parviennent à remplir la salle : ces concerts provoquent des attentes telles qu’ils tendent à être déceptifs ensuite. Par ailleurs, ces concerts sont toujours économiquement déficitaires. Nous avons donc décidé avec Giampaolo Bisanti de proposer en version concert des opéras moins populaires, ce qui est le cas de La Damnation de Faust, car c’est un moyen de le proposer malgré tout au public. La thématique de Faust m’intéresse beaucoup : je vais essayer de proposer différentes adaptations de Faust. Mon rêve serait de faire Robert le Diable et Mefistofele. La forme concertante, avec une scénarisation, se prête bien à La Damnation, et cela nous permet de réunir de grands artistes que nous ne pourrions pas avoir pour une production scénique qui nécessite de les mobiliser un mois entier.
En avril, vous présenterez une nouvelle production de Werther par Fabrice Murgia : pourquoi ce choix de metteur en scène ?
Il fallait faire cet opéra au moment où je pouvais disposer d’Arturo Chacón-Cruz. Je ne sais pas encore à quoi la production ressemblera car la remise de maquette n’a pas encore eu lieu. J’ai choisi Fabrice Murgia car il est liégeois et il a monté chez nous Le Turc en Italie avec beaucoup de sensibilité. C’est un opera buffa, or il est beaucoup plus difficile de faire bien une comédie qu’un drame. Je voulais confier Werther à quelqu’un de profondément humain et j’ai décelé cette qualité en lui par la manière dont il a intégré à sa mise en scène du Turc les personnes porteuses de handicap de l’association liégeoise Cejoli, avec laquelle nous avons une collaboration. Il s’est donné la peine de les intégrer pleinement dans la dramaturgie du spectacle. Cela m’a touché car cela montrait qu’il a une grande profondeur d’âme.
Qu’attendez-vous du couple que formera Arturo Chacón-Cruz et Clémentine Margaine ?
Je m’attends à trouver dans leur interprétation beaucoup de délicatesse et toute la profondeur émotionnelle de la partition de Massenet. Elena Galitskaya, que j’aime beaucoup et que j’ai fait débuter dans le rôle de Sophie à Trieste reprendra ce rôle. Ivan Thirion sera Albert, Ugo Rabec chantera le Bailli et Samuel Namotte sera Johann.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans l’idée de présenter Don Pasquale en mai ?
Je voulais faire du Donizetti et Don Pasquale est un opéra amusant que j’ai déjà programmé auparavant. Mais il y a un aspect plus « noir » dans ce titre, que je n’arrivais pas vraiment à comprendre. Il y a quelques années, une jeune metteure en scène, Mirabelle Ordinaire, m’a envoyé une proposition pour ce titre que je trouvais intéressante. Je connaissais cette jeune femme parce qu’elle travaille avec sa sœur Philippine comme scénographe. Or, Philippine a débarqué un jour dans mon bureau à l’Opéra de Paris [dont il a été Directeur technique jusqu’en 2004, ndlr] en me disant qu’elle voulait être décoratrice. Elle avait 17 ans et je suis un peu devenu son tuteur. Depuis, Mirabelle a été assistante en charge du remontage des productions au Metropolitan de New York, ce qui lui a apporté beaucoup d’expérience. Je l’ai donc recontactée lorsque j’ai voulu programmer ce titre : elle avait encore développé son idée. Ce Don Pasquale sera donc une sorte de parrain mafieux situé à Little Italy, à New York, dans une sorte de clin d’œil à West Side Story. Ce sera extrêmement fidèle à la musique et au texte : nous avons repassé l’opéra scène par scène et tout son concept était plausible et cadré.
La production sera dirigée par un autre jeune artiste, Dayner Tafur-Díaz : comment le présenteriez-vous ?
C’est un artiste de très grand talent, qui a gagné notre Concours de direction d’orchestre d’opéra il y a deux ans et a dirigé chez nous une représentation de La Flûte enchantée et a été assistant du Maestro Bisanti. Avec Giampaolo, nous voulions continuer à lui donner de l’expérience et Don Pasquale nous semblait être une partition dans laquelle il pouvait donner le meilleur de lui-même. Nous voulons inviter de grands chefs avec beaucoup d’expérience mais aussi prendre des risques calculés pour lancer la carrière de jeunes chefs qui ont du talent et seront de très grands chefs dans le futur : c’est son cas et celui de Clelia Cafiero sur La Périchole.
Aux côtés des deux stars Ambrogio Maestri et Maxim Mironov, vous invitez deux chanteurs moins identifiés : Marcello Rosiello en Malatesta et Maria Laura Iacobellis en Norina. Pouvez-vous nous les présenter ?
Marcello Rosiello a déjà chanté ici dans Le Barbier de Séville. C’est un chanteur très solide qui a beaucoup de musicalité et un bon caractère. Je trouve qu’il n’a pas la visibilité qu’il mérite. Il a par exemple déjà chanté Germont à La Fenice ou au Maggio Musicale Fiorentino. Maria Laura Iacobellis est une jeune chanteuse qui monte, avec une très jolie voix : c’est cette qualité vocale qui m’a convaincu qu’elle était le meilleur choix pour ce rôle.
Vous refermerez la saison avec Les Noces de Figaro, qui ouvre une Trilogie Mozart-Da Ponte que vous annonciez déjà l’an dernier. Les maîtres d’œuvre Jean-Romain Vesperini et Leonardo Sini resteront-ils à l’œuvre sur les deux autres opus du cycle ?
Les maîtres d’œuvre changeront car je veux proposer des visions diverses à mon public. C’est une trilogie parce que Da Ponte a écrit les livrets des trois opéras, mais ils n’ont pas de lien entre eux. A l’inverse, si je devais faire une Tétralogie de Wagner, je la confierais sûrement à un seul metteur en scène : j’y pense !
Leonardo Sini a déjà travaillé ici. C’est un jeune chef que j’apprécie énormément, et qui travaille déjà à La Scala de Milan, à Paris, à Berlin, etc. Il apporte une garantie de qualité et l’orchestre l’adore. Moi je l’apprécie aussi en tant que personne, ce qui est un critère important également : je ne souhaite pas avoir à supporter des personnalités difficiles simplement parce qu’ils sont de grands artistes.
Je n’ai jamais travaillé avec Jean-Romain Vesperini, mais lui aussi m’a proposé une idée qui me plaisait. Nous en parlons régulièrement car il vient souvent à Liège où il a une partie de sa famille, bien qu’il soit Français. Nous avions déjà en stock une très jolie production des Noces de Figaro, mais cela permettra aux spectateurs qui l’ont déjà vue de découvrir une nouvelle vision.
Pouvez-vous nous présenter la distribution ?
Carolina López Moreno avait été une magnifique Adriana chez nous : je souhaitais la présenter dans un autre répertoire. Elle a aujourd’hui l’âge et la capacité pour jouer le rôle de la Comtesse. Biagio Pizzuti sera Figaro après avoir déjà chanté ici dans Le Turc en Italie. Davide Luciano que notre public connait bien également sera le Comte et Chiara Tirotta, qui faisait partie de notre deuxième distribution du Barbier de Séville, sera Cherubino.
Comme cette saison, il y aura deux opus destinés au jeune public : une œuvre contemporaine et une adaptation de Guillaume Tell. Qui est le compositeur du premier opus ?
Ce sera la version française du Château enchanté de Marco Taralli, une commande que je lui avais passée à Trieste. J’aime beaucoup son style de composition : ce n’est pas de la musique facile mais elle est compréhensible. Cet opéra est basé sur L’intrépide Soldat de plomb d’Hans Christian Andersen. Ça avait très bien fonctionné donc j’ai demandé à Véronique Tollet qui dirige notre Maîtrise de l’adapter en français et au metteur en scène initial d’en faire une toute nouvelle production. C’est un vrai opéra en un acte, un projet très structuré qui pourra aussi séduire les adultes.
Vincent Dujardin reviendra quant à lui à un opéra participatif (Guillaume Tell), après avoir été à l’œuvre dans la programmation principale cette saison : le reverra-t-on dans la programmation principale les saisons suivantes ?
Nous avions décidé de ce projet avant que je lui confie la scène principale (pour Le Barbier de Séville, en octobre 2023) : il s’en est d’ailleurs très bien sorti, et il y reviendra. Je trouve très pertinente cette politique de notre département jeunesse et éducation qui consiste à proposer des versions réduites et revisitées des opéras du grand plateau pour le jeune public, ici à partir de 5 ans. Cela leur donne l’occasion d’entendre les grands thèmes musicaux sans devoir faire l’exercice d’assister aux représentations de 3h30 ou 4h de musique.
Vous annonciez l’an dernier souhaiter programmer un ballet tous les deux ans : il y en aura un nouveau dès la saison prochaine avec Giselle chorégraphié par Carla Fracci. Est-ce un hasard de calendrier ou avez-vous finalement décidé d’en proposer chaque année ?
J’adore le ballet. C’est un monde que je connais bien de par mon expérience à l’Opéra de Paris et à Covent Garden. J’avais en effet annoncé que ce serait une année sur deux car je n’étais pas sûr de la réaction du public, mais 15 jours après la présentation de la saison dernière, la production de Roméo et Juliette était déjà remplie à 90%. En fait, j’ai menti : je ne voudrais pas en faire un tous les deux ans, mais deux par an. Cela dépendra surtout des possibilités économiques. Nous avons présenté une compagnie d’une qualité exceptionnelle, l’orchestre a été fantastique et a beaucoup aimé jouer ce répertoire. Cela m’a conforté dans l’idée d’en proposer plus souvent que prévu. Nous inviterons donc le Ballet de l’Opéra de Rome pour Giselle : c’est un autre type de chorégraphie, encore plus classique, en tutus, mais de grande qualité.
Vous proposerez également deux concerts dirigés par Giampaolo Bisanti : un concert d’ouverture de saison début septembre et un hommage à Puccini en novembre. Pouvez-vous nous les présenter ?
Le concert d’ouverture est une mise en bouche présentant les différentes œuvres qui marqueront la saison. Pour le second, nous voulions célébrer le centenaire de la mort de Puccini d’une manière exceptionnelle. Il est joué chaque saison dans tous les théâtres : il est célébré tous les jours. C’est pourquoi nous avons voulu le faire à travers une commande à Andrea Battistoni, qui est à la fois compositeur et un grand chef d’orchestre. La cantate s’appellera Pucciniana. Ce sera une musique originale. En première partie de soirée, nous jouerons aussi des extraits d’œuvres de Puccini.
Vous proposerez enfin une nouvelle édition du Concours International de Direction d’Orchestre d’Opéra : qu’attendez-vous de cette troisième édition ?
Nous aurons un jury avec des noms importants qui exercent leur métier au plus haut niveau. Nous voulons maintenir une exigence très élevée. L’an dernier, nous avons eu 135 candidats : c’est beaucoup de travail de les examiner avec attention mais nous le menons très volontiers avec Giampaolo Bisanti. Nous garderons la particularité de proposer un concours mobilisant l’orchestre, les chœurs et de bons solistes.
Quelles sont les autres initiatives menées par l’Opéra ?
Nous avons lancé un Chœur de jeunes, pour de bons amateurs entre 18 et 32 ans : nous avons beaucoup de demandes pour y participer, mais aussi pour les intégrer à des initiatives artistiques. C’est le signe que c’était une bonne décision : il y avait manifestement un manque. Cela participe à maintenir notre théâtre le plus ouvert possible : nous visons l’excellence accessible. Nous avons aussi lancé cette saison avec nos musiciens de l’orchestre une série de concerts de musique de chambre intitulée Musica da Camera : nous continuerons d’organiser ces concerts le dimanche matin au rythme d’un par mois. Cela a commencé timidement sur les premières dates, mais nous avons dû rajouter des chaises sur les dernières !