Le Met mise sur l'opéra contemporain pour sortir de la crise
La situation continue d'être inquiétante dans le monde de la culture, et notamment dans le milieu lyrique anglo-saxon, comme le détaille un nouvel article publié par le New York Times au sujet du Metropolitan Opera House de New York. L'institution artistique doit ainsi puiser 30 millions de dollars dans son fonds de dotations (déjà considéré comme modeste et qui avait pu être maintenu en suspendant les salaires : le fonds est évalué à 306 millions de dollars face aux 312 millions de budget annuel de l'institution et aux 150 millions de pertes de recette durant ses 18 mois de fermeture pandémique, entièrement compensés en promesses de dons mais pas encore en dons effectifs). Cette ponction inquiète car elle vise à couvrir des dépenses courantes, et car elle est rendue nécessaire par le plafonnement des capacités de dons privés en contexte de crise, ainsi que par la baisse de fréquentation du public.
Pour réduire les coûts, la maison lyrique projette de baisser d'environ 10% son nombre de levers de rideau (215 cette saison), mais pour augmenter les recettes, elle opère une inflexion esthétique qui s'annonce remarquable.
“The only path forward is reinvention.” Le seul chemin vers l'avant, c'est la réinvention, affirme ainsi Peter Gelb, General Manager depuis 2006 du Met qui proposera davantage d'œuvres de compositeurs contemporains et moins de "tubes". En cela, le Directeur suit son public, qui remplissait naguère la salle pour assister aux chefs-d'œuvre bien connus du répertoire, et qui le fait désormais pour les œuvres nouvelles.
Ce mouvement semble d'autant plus important pour inciter les publics à revenir et aller à l'opéra depuis la pandémie. Les chiffres sont là pour le confirmer : “Fire Shut Up In My Bones” de Terence Blanchard et “The Hours” de Kevin Puts ont récemment rempli la salle, alors que le Don Carlo de Verdi finissait avec 40% de remplissage. Dans l'ensemble, le remplissage (avec tickets payants) est passé de 73% à 61%.
Le Metropolitan Opera a donc décidé (à l'image d'une maison particulièrement créative du Vieux Continent comme La Monnaie de Bruxelles) d'ouvrir désormais ses saisons par une nouvelle production d'opéra contemporain. L'année prochaine ce sera “Dead Man Walking” de Jake Heggie et la saison proposera également “X: The Life and Times of Malcolm X” d'Anthony Davis (compositeur cité dans notre Dossier sur L'Opéra aux USA), “Florencia en el Amazonas” de Daniel Catán, ainsi qu'“El Niño” de John Adams et la maison est en train de réorganiser sa saison pour pouvoir accueillir à nouveau “Fire Shut Up In My Bones” et “The Hours” à nouveau avec ses trois têtes d'affiche Renée Fleming, Joyce DiDonato et Kelli O'Hara.
Peter Gelb salue d'ailleurs aussi -toujours dans l'article du New York Times- l'engagement et l'intérêt des interprètes de notre temps dans l'opéra de notre temps.
Au final, ce nouvel accent mis sur le contemporain vise à maintenir une proposition riche et variée au Met avec toujours une grande place donnée aux classiques.
L'idéal étant que les créations d'aujourd'hui deviennent les classiques de demain : c'est d'ailleurs au Met qu'ont été donnés en création mondiale en leur temps La Fille du Far-West et le Triptyque d'un certain Puccini.
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